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cet objet, sans excepter le projet de la convention à faire avec les États intéressés, seront préparés par le chancelier et présentés à l’approbation impériale… »

Il est bon d’insister encore, pour mettre chacun à son rang et chaque chose à son point, sur la participation personnelle de Catherine à la déclaration de 1780 : « Mon bon ami, écrivait-elle à Grimm le 13 février, un de ces jours vous entendrez dire que certaine déclaration a été déclarée, et vous direz que c’est du volcanique ; mais il n’y avait plus moyen de faire autrement : les Allemands (c’est bien Sophie d’Anhalt qui se met en scène) ne détestent rien tant que les gens qui veulent jouer sur leur nez. » Ces gens-là n’étaient pas seulement les Espagnols. Le 25 février, un « ukase personnel » (la note est ainsi qualifiée sur l’original), expédié par l’impératrice elle-même au prince Galitzin et signé de sa main, partait pour La Haye. Galitzin était chargé « de sonder les dispositions des États-Généraux à s’associer à la Russie pour faire aux nations en guerre une déclaration commune sur l’étendue de la contrebande et la façon de comprendre la liberté de la navigation. » Harris ne s’y trompait pas : « Tout cela provient de l’impératrice et sans les avis du comte Panine, » écrivait-il le 5 mars, à M. Eden, ministre anglais à Copenhague, Panine ne le cachait pas d’ailleurs, du moins dans ses rapports avec l’envoyé britannique et, le 15 mars, en l’avisant officiellement de la déclaration, il lui répéta « que tout ce qui se faisait venait de l’impératrice elle-même. » — « C’est mon projet, » dit-elle encore à ce diplomate quelques mois plus tard, dans une conversation qu’il a rapportée lui-même : « On dit pourtant, répondit-il malicieusement, que c’est le projet des Français, et que le vôtre était très différent. — Mensonge énorme ! » répliqua l’impératrice avec une grande véhémence. L’étude exacte des documens permet donc aujourd’hui de redresser une opinion beaucoup trop répandue, presque une erreur historique. Catherine avait voulu ; Panine exécuta.

Nous sortirions de notre cadre en commentant la déclaration de 1780. Nous nous bornons à rappeler qu’elle reconnut aux neutres le droit de naviguer et de commercer librement pendant la guerre comme en temps de paix, proclama la cargaison ennemie insaisissable sur les vaisseaux neutres (la contrebande de guerre exceptée), limita la contrebande de guerre en généralisant les règles posées dans le dernier traité de commerce anglo-russe, subordonna la légitimité des blocus à l’investissement effectif des ports bloqués par des vaisseaux arrêtés et suffisamment proches. Elle élevait enfin les nouveaux principes au-dessus des « ordres en conseil » et des règlemens intérieurs, même au-dessus de pactes