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Frédéric II, en s’employant avec toute l’ardeur possible au rétablissement de la paix en Allemagne. Le roi de Prusse, reconnaissant les bons procédés de la France, s’apprêtait à seconder notre propre politique et s’engageait nettement à « faire rétracter les intentions » du gouvernement russe[1]. Le moment était venu de répondre à la déclaration de mars 1779, notifiée, le 8 avril, à Versailles, et nous touchons au point culminant de la grande campagne poursuivie par le ministre de Louis XVI : au lieu de protester contre la déclaration russe, il l’interpréta.

En fait, il s’agissait de s’expliquer sur le texte officiel de cet acte et non sur le rapport de Panine, qui l’avait préparé. L’acte ne disait pas, il s’en fallait de beaucoup, tout ce qu’avait dit le rapport. La diplomatie française avait le droit d’y voir une simple mesure de protection pour les eaux territoriales de l’Empire et non la proclamation d’une sorte de ligue défensive anglaise dirigée contre les armateurs américains et français. C’est dans ce sens que Vergennes écrivit à Corberon, le 16 avril 1779. Il ne s’agissait plus que de faire accepter cette interprétation à Pétersbourg. Le terrain y était bien préparé, grâce à l’excellente direction de toute notre politique extérieure. Le 13 mai 1779, l’Autriche renonçait, par le traité de Teschen qu’avait amené notre médiation, à ses prétentions sur la Bavière ; nous empêchions en même temps une rupture entre la Sublime - Porte et l’empire des tsars : « Cette année est une année de bénédiction, écrivait, le 22 mai, Catherine à Grimm : le seigneur Abdoul-Hamet, par les bons offices du très excellent prince Louis XVI et de son ministère admirablement choisi, vient de conclure avec nous une convention confirmative de la paix de Kaïnardji. » — « Il en est résulté, écrivait de son côté notre chargé d’affaires (3 mai 1779), une espèce de révolution bien flatteuse dans la manière dont nous sommes envisagés à la cour de Saint-Pétersbourg. » — Le mot était juste ; c’est bien une révolution qui s’accomplissait dans la politique extérieure de l’empire, et nous allons voir s’en développer toutes les conséquences. La première fut celle que souhaitait par-dessus tout Vergennes : « Je vois avec plaisir, dit Panine à Corberon, que le gouvernement français a saisi l’esprit de la déclaration ; son objet était seulement de protéger les côtes de la Russie : les intentions de l’impératrice se rapportent entièrement aux principes si justes du roi. » Nous avions donc, en deux mois, anéanti l’œuvre de la diplomatie anglaise, et la parole était désormais à Catherine II.

Dès les premiers jours de juillet 1778, Harris, chargé par son gouvernement de rappeler au comte Panine « tout l’intérêt que la

  1. Le marquis de Pons à Vergennes, 17 avril 1779.