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POÉSIE

PRECEPTES.


Poète qui, veillant dans la nuit calme et noire,
Vois passer des lueurs de génie et de gloire,
Veux-tu pour un instant m’écouter et me croire ?

Tu songes, n’est-ce pas, tu songes, frémissant.
Combien il serait beau, fût-ce au prix de ton sang,
D’être la voix qui parle au siècle finissant ;

Mais tu cherches peut-être, en ton âme ingénue,
Quels rythmes, quels accords d’une audace inconnue
Pourraient faire au soleil éclater ta venue,

Dans la forêt des mots quels détours, quels combats,
Quels chemins non frayés où sonneraient tes pas…
— Ami, ne cherche plus, tu ne trouverais pas.

Si tu dois être un jour marqué du divin signe,
Rien ne t’approchera de cet honneur insigne
Que de le mériter, que de t’en rendre digne ;

Tu ne peux rien de plus, tu ne peux rien de mieux
Que, des fleurs de ton âme, avec un soin pieux.
Orner la place auguste où descendront les dieux.