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meules à aiguiser et de pierres à bâtir. Après comme avant la catastrophe, les motifs d’espérance subsistaient ; l’eau, les forêts étant toujours là, le bourg de Passavant se releva promptement, le hameau de la Rochère tarda un peu plus, et jusqu’en 1727, des procès nombreux, le manque d’entente des propriétaires, rendirent le travail languissant. À la Révolution, ceux-ci durent lutter péniblement pour conserver des privilèges qui depuis près de quatre siècles étaient le point de mire de l’État ou des habitans de Passavant : ces privilèges ont peu à peu disparu, et la verrerie n’a cessé de marcher, passant par des périodes tantôt prospères et tantôt difficiles. Elle est aujourd’hui en pleine activité, fabrique surtout des verres blancs pour services de table, des tuiles et dalles en verre pour la construction, et elle emploie deux cent cinquante ouvriers bien payés (les premiers ouvriers gagnent 12 et 15 francs par jour), d’autant plus heureux qu’ils forment une sorte de caste volontaire et libre, transmettent aux enfans leur position ; tuileries et verreries répandent chaque année plus de 350,000 francs de salaires dans le pays, et cette population est animée du meilleur esprit, admirablement dévouée à ses patrons, en général sobre et laborieuse[1].

Les houillères de Ronchamp (Haute-Saône) ont une épaisseur de cent vingt mètres et comprennent deux étages de stratification concordante. L’étage supérieur, qui mesure 75 mètres d’épaisseur, renferme les trois couches exploitées ; le charbon est classé dans la catégorie des charbons gras. La société actuelle possède deux concessions, celle de Ronchamp qui occupe la partie nord du bassin, avec une superficie de 2,650 hectares ; celle d’Eboulet qui comprend la partie sud, 1,853 hectares. La découverte de la houille remonte à 1750 : les premiers travaux sont exécutés par l’abbé de Lure sur la commune de Champagney, par les seigneurs de Ronchamp sur le territoire de Ronchamp ; la Révolution ayant mis les biens du clergé à la disposition de la nation, la mine est exploitée par l’État ; à travers de nombreuses vicissitudes, une ordonnance royale de 1830 fixe définitivement les limites de la concession de Ronchamp et Champagney, un décret impérial de 1862 fixe celle d’Eboulet, les deux sociétés fusionnent en 1865 après plusieurs années de lutte. La production, qui ne dépasse pas 10,490 tonnes en 1844, oscille aujourd’hui de 200,000 à 250,000, et l’on prépare deux nouveaux puits destinés à remplacer le puits Saint-Joseph ; d’ailleurs, la profondeur à laquelle les travaux sont parvenus (900 mètres et plus au puits

  1. L’industrie des broderies et guipures, très florissante autrefois dans l’arrondissement de Lure, fournit encore de l’occupation à quatre ou cinq mille femmes, qui l’exercent sans quitter leur ménage : une bonne ouvrière peut gagner quinze sous par jour.