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théorie développée dans des termes et avec une précision inconnus des alchimistes grecs. « Le plomb, dit Geber, est, à l’extérieur, froid et sec, et à l’intérieur, chaud et humide ; tandis que l’or, à l’extérieur, est chaud et humide, mais froid et sec à l’intérieur. Donc l’intérieur de l’or est pareil à l’extérieur du plomb, et l’extérieur de l’or pareil à l’intérieur du plomb. De même l’étain comparé à l’argent. » Rasès déclare également que le cuivre est de l’argent en puissance : « celui qui en extrait radicalement la couleur rouge le ramène à l’état d’argent ; car il est en apparence cuivre et dans son intimité secrète argent. » Ces idées peuvent paraître étranges aux savans d’aujourd’hui ; mais il faut les connaître si l’on veut comprendre la direction des travaux des alchimistes du moyen âge. Peut-être en retrouverait-on quelque trace dans nos opinions sur les fonctions opposées, et les rôles électro-chimiques contraires que peut remplir un même élément dans ses combinaisons.

Les Traités de Geber ne comprennent pas seulement l’alchimie. On y rencontre un résumé de la Logique d’Aristote, des dissertations mêlées de chimie et de métaphysique sur le corps, l’âme et l’accident et sur les dix-sept forces qui constituent toute chose ; des exposés médicaux et physiologiques sur la nutrition, la digestion, l’utérus, sur les compartimens du cerveau et la localisation des facultés, imagination, mémoire et intelligence ; c’est un premier essai de phrénologie. Après avoir présenté une série de Pourquoi sur les matières animales, végétales, minérales, série analogues aux Problèmes d’Aristote, et qui atteste un mélange singulier de crédulité puérile et de charlatanisme, Geber invoque la nécessité des connaissances astrologiques, en raison des influences sidérales sur les phénomènes et sur les personnes.

Non-seulement il croit à l’astrologie ; mais il reproduit les idées pythagoriciennes de Stéphanus, contemporain d’Héraclius, sur les quatre élémens, les sept métaux, les douze fauteurs de l’œuvre et il expose le calcul mystérieux du Djomal, d’après lequel les noms des choses en font connaître la nature. Pour faire pénétrer le lecteur plus profondément dans la connaissance de la science orientale, il n’est peut-être pas inutile d’en donner une idée. Le nom d’une chose ou d’un être, d’après Ptolémée, dit notre auteur, est déterminé d’une manière fatale par la conjonction des astres au jour de sa naissance. Rangeons donc les vingt-quatre lettres de l’alphabet dans un tableau à double entrée, formé de quatre colonnes verticales, comprenant six rangées horizontales : les quatre colonnes représenteront la sécheresse, l’humidité, le froid et la chaleur, et les six rangées, les divisions numériques exprimées par les mots degré, minute, seconde, tierce, quarte, quinte. Soit maintenant un nom formé d’un