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de la reine. Un député de la noblesse du Haut-Limousin, M. de Bonneval, ayant rencontré un député du tiers, M. de Chavailles, l’avait insulté et frappé à coups de canne. Enfin, un gentilhomme appartenant à la reine, Marsillac, avait été assassiné, la nuit, par des affidés de M. le prince, conduits par un de ses gentilshommes, Rochefort.

La cour somma, les députés d’en finir et de remettre leurs cahiers. Ils commençaient à avoir le sentiment de leur impuissance ; le séjour de Paris était coûteux pour eux, pour leur province. Certains, comme Miron, président du tiers, s’étaient laissé gagner et poussaient adroitement leur ordre dans le sens du désir de la régente.

La séance de clôture fut fixée au 23 février. C’était dans cette séance que les ordres, réunis pour la seconde fois depuis l’ouverture des états en assemblée plénière, devraient remettre leurs cahiers et adresser publiquement la parole au roi et à ses représentans. On comprend tout l’intérêt de cette cérémonie, l’éclat qui devait rejaillir de la solennité sur les orateurs chargés de prendre la parole, au nom de chacun des trois états, mais aussi tout le soin que la cour devait apporter à ne pas laisser désigner par les ordres des orateurs hostiles, excessifs ou maladroits : il ne fallait pas faire naufrage au port. Nous savons que la reine régente eut une influence directe sur la désignation de chacun des trois députés, et c’est ainsi que, dans sa séance du 24 janvier, l’ordre du clergé, dûment prévenu et stylé, « pria M. l’évêque de Luçon de prendre le soin et la peine de présenter le cahier et de faire la remontrance accoutumée : » lequel, après s’être excusé avec une bonne grâce modeste, prié derechef par la compagnie, « a dit qu’il lui rendrait obéissance. » Un mois après, dans la séance du 23 février, il demanda à la chambre « de vouloir bien lui indiquer les sujets et points principaux sur lesquels elle trouverait bon qu’il s’étendît le plus. » Ces points furent « agréés et résolus. » D’ailleurs, l’évêque savait, depuis longtemps, à quoi s’en tenir ; car la séance de clôture devait avoir lieu le même jour, dans l’après-midi, et sa harangue était prête.


IV

Les trois ordres se rassemblèrent, comme pour la séance d’ouverture, dans la salle de Bourbon ; le même cérémonial fut suivi, mais on retrouva aussi le même désordre et la même confusion. On vit encore « les trois ordres attendre à la porte de la salle pendant que plus de deux mille courtisans muguets et muguettes et une infinité de gens de toutes sortes avaient pris les meilleures places ; »