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lieu dans la grande salle de l’hôtel Bourbon, en face le Louvre[1]. La salle formait un rectangle de dix-huit toises de long sur huit de large, terminé par une abside de huit toises de profondeur. Sa voûte, semée de fleurs de lis d’or, était soutenue par des colonnes avec bases, chapiteaux, architraves, frises et corniches d’ordre dorique. Les murs avaient été tendus de velours semés de fleurs de lis d’or. Dans le demi-cercle que formait l’abside, un échafaudage haut de cinq marches avait été installé, sur lequel on avait disposé un trône couvert par un dais de velours violet, semé de fleurs de lis d’or. Ainsi le roi, vêtu de blanc, s’assit au milieu des lis. À sa droite, la reine sur une chaise à dossier, puis la reine Marguerite, puis la jeune Elisabeth ; à sa gauche, Gaston son frère et ses sœurs plus jeunes ; à ses pieds, M. de Mayenne, grand chambellan, à demi couché sur un oreiller de velours ; tout autour, les plus hauts personnages de la cour ; un peu à gauche, assis sur une chaise sans dossier, le chancelier de Sillery, assisté des quatre secrétaires d’État.

Tout le parterre, formant un long parallélogramme, était réservé aux députés ; sur les côtés, on avait établi des gradins pour les assistans. Mais les courtisans, friands d’un pareil spectacle, vinrent en telle foule qu’ils forcèrent les portes et que, sans avoir égard à la majesté des États, ils envahirent la place même qui avait été assignée aux députés. « Tout était plein de dames et de damoiselles, de gentilshommes et autre peuple, comme si l’on se fût transporté pour le divertissement de quelque comédie, » dit Florimond Rapine, et avec son humeur critique, il ne manque pas d’observer qu’une telle indécence représentait trop bien l’état du royaume où la cour

  1. Pour l’histoire des États, je me suis servi des documens connus : la relation de Florimond Rapine imprimée notamment dans le recueil de Mayer ; une autre relation imprimée, en 1789, par M. Collin ; une quantité de documens et de pamphlets publiés pendant les sessions, et dont quelques-uns sont recueillis dans le Mercure françois. J’ai eu aussi entre les mains le « Recueil journalier de ce qui s’est négocié et arrêté en la chambre du tiers-état de France dans l’assemblée des États, tenus à Paris, en 1614 et 1615, par Pierre Clapisson, échevin de Paris, » document important qui mériterait d’être publié, de même que le procès-verbal de la noblesse, rédigé par Montcassin et conservé au fonds Godefroy, à la bibliothèque de l’Institut. On en trouve un autre manuscrit à la Bibliothèque de Poitiers. On verra ci-dessous que j’ai tiré également un grand parti d’un autre document trop négligé, quoique publié dès 1650. C’est le Procès-verbal contenant les propositions, délibérations et résolutions prises et reçues en la chambre ecclésiastique des états-généraux,.. recueillis et dressés par M. Pierre de Behety, secrétaire de ladite chambre. — Il faut aussi tenir grand compte du Journal d’Arnauld d’Andilly, publié en 1857, par M. Halphen, de la Lettre de De Thou sur la conférence de Loudun (t. X de l’édition française de l’Histoire universelle), enfin des Lettres de Malherbe, publiées dans le tome m de l’édition de M. Ludovic Lalanne.