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développée chez les femelles. Les mâles ont d’ailleurs, nous l’avons vu, le rôle de chercher dans toutes les directions, — sans quoi ils ne trouveraient pas. Attribuer leur inconstance plus grande à ce que les plus changeans dans leurs amours ont multiplié les chances de propagation pour leur race, c’est de nouveau s’en tenir à des résultats extérieurs et remplacer la causalité par la finalité.

Considérons maintenant l’orientation générale des sentimens et émotions chez les animaux. De l’aveu des naturalistes, les femelles, surtout quand elles sont mères, ont une part plus grande et plus habituelle d’émotions « altruistes ; » les mâles ont des sentimens plus personnels. C’est encore là une conséquence de la direction générale imposée à l’organisme, qui, nous l’avons vu, tend chez le mâle à l’individualité, chez la femelle à la solidarité. Enfin, au point de vue de l’intelligence, les mâles, par cela même qu’ils sont plus actifs, plus remuans, plus occupés au dehors et au loin, ont acquis nécessairement un domaine d’expérience plus étendu, des associations d’idées plus nombreuses et plus complexes. Il en résulte que, pour fournir tout ensemble et à une dépense cérébrale et à une dépense musculaire plus grandes, le cerveau est devenu chez eux généralement plus gros. En revanche, les femelles ont plus de finesse, plus de coup d’œil et plus de ruse ; leur rôle n’est pas d’aller de l’avant pour percer en quelque sorte l’obstacle, mais d’attendre, d’observer et de deviner. Leur cerveau s’est affiné intérieurement.

Tous ces caractères différentiels s’accusent dans l’espèce humaine. C’est là que le tempérament moral apparaît le mieux comme l’aspect intérieur du tempérament physique. Établissez en principe une plus grande tendance à l’intégration chez la femme, à la différenciation chez l’homme ; ajoutez cet autre principe, non moins important, que le courant intégrateur, chez la femme, a sa direction naturelle vers l’espèce, dont la vie lui est particulièrement confiée, et vous verrez se développer, par une nécessité interne, toutes les conséquences relatives au tempérament moral des sexes.

La femme, avec sa constitution en prédominance d’épargne, ne pouvait manquer d’être avant tout sensitive, de même que l’homme, avec sa constitution de tendance opposée, est normalement actif. Si, de plus, on distingue avec nous une sensibilité vive et extérieure, celle des sanguins, une sensibilité plus intense et plus intérieure, celle des nerveux, on reconnaîtra que la sensibilité sanguine est plus généralement le lot masculin, et la sensibilité nerveuse, le lot féminin. Enfin, si l’on distingue encore avec nous une activité vive et explosive, celle des tempéramens dits « colériques ou bilieux, » une activité plus lente et plus patiente, celle des