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du même tempérament, le système nerveux de la femme est plus développé dans les ganglions qui président à la vie végétative et sensitive ; il est moins développé dans les centres qui président plus spécialement au travail musculaire et au travail cérébral. Il faut bien que la femme, pour faire face aux dépenses de la maternité, fasse réserve de forces vitales. Qu’est-ce que la dépense demandée à l’homme pour l’espèce ? Bien peu de chose. Chez la femme, au contraire, cette dépense sera considérable et prolongée. Aussi, dès que la femme atteint l’âge où elle peut être mère, elle subit déjà des crises périodiques en vue de la future nutrition de l’enfant et doit, à chaque fois, abandonner une partie de sa substance. Plus tard, pour la gestation, pour l’enfantement, pour l’allaitement, puis pour l’éducation première de l’enfant, quelle série de sacrifices physiologiques et moraux, exigeant une énorme réserve de forces ! C’est la raison pour laquelle l’évolution individuelle est plus précoce chez la femme, et aussi plus vite ralentie, parfois même arrêtée. Mais la femme, quand sa croissance personnelle est finie, continue de croître dans la personne de ses enfans ; leur vie est, au pied de la lettre, le prolongement de la sienne. La femme n’est point enfermée dans son moi : elle déborde en autrui, elle est l’humanité visible. Est-ce là une « infériorité » ou une « supériorité ? » — C’est, en tout cas, une nécessité de constitution et de fonctions physiologiques, qui exige une nature autre que celle de l’homme.


III

L’explication des différences morales entre les sexes doit être également cherchée, selon nous, dans la direction générale de l’organisme. Passons en revue les traits psychologiques du caractère masculin, chez les animaux d’abord, puis dans l’espèce humaine, nous les verrons encore se déduire de la constitution même, non des hasards de la sélection naturelle ou sexuelle, qui ne fait que les accuser avec le temps et ajouter son action à celle des causes physiologiques.

L’activité extérieure suppose, parallèlement à la force de résistance physique, un certain courage psychique. Pour expliquer l’audace des mâles, Darwin et Spencer nous disent : — Les mâles ayant toujours combattu entre eux, et pour la nourriture et pour l’amour, les plus courageux ont dû l’emporter et ont ainsi perpétué le courage même dans leur sexe, avec le goût de la lutte. — Voilà qui est clair ; mais pourquoi les mâles combattaient-ils, tandis que les femelles ne combattaient pas ? Pourquoi ces deux rôles si différens, surtout dans l’amour ?