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une base nouvelle. » Ce qui a été décidé chez les protozoaires préhistoriques ne peut être annulé par un acte du parlement. On nous permettra donc, pour ne pas nous tenir dans de simples généralités littéraires qui peuvent servir d’argumens aux thèses les plus opposées, d’aborder la question par son côté purement scientifique. Nous devons pour cela remonter jusqu’aux origines mêmes de la génération sexuée, qui ont d’ailleurs autant d’intérêt que d’importance : c’est ici que la vraie méthode prescrit de reprendre la question ab ovo.


I

Le sexe masculin s’est décerné à lui-même la palme de « supériorité ; » ce qui était inévitable au temps où la force corporelle était la force supérieure. Dès l’antiquité, philosophes et savans ont soutenu que la femme était un homme non développé, et cette opinion s’est perpétuée jusqu’à nos jours. La théorie de la sélection sexuelle, telle que l’a présentée Darwin, présuppose encore dans la ligne masculine une « supériorité, » un « droit d’héritage. » Pour Spencer, le développement de la femme est arrêté de bonne heure par les fonctions de la procréation, de la gestation, de la lactation. Bref, a-t-on dit, l’homme de Darwin est une femme qui a achevé son évolution, et la femme de Spencer est un homme dont l’évolution a été arrêtée. Velpeau, lui, considérait les femelles comme étant dégénérées d’une masculinité primitive. Toutes ces idées sont aujourd’hui reconnues fausses. Les récentes découvertes ont mis hors de doute ce que les naturalistes appellent l’absolue « identité de valeur des élémens masculin et féminin » dans la propagation de l’espèce. On a même démontré que l’embryon reçoit une portion mathématiquement égale de substance paternelle et de substance maternelle, que les deux capitaux de vie primitifs sont de tout point équivalens et complémentaires ; ce qui explique matériellement les faits d’hérédité.

Au début de la vie sur le globe, les premiers êtres se reproduisaient simplement par division : chaque moitié du parent devenait un rejeton, identique au parent lui-même. C’était le triomphe de l’hérédité sans mélange. Tout le monde connaît la reproduction par division artificielle, les boutures et marcottes, par exemple, qui s’opèrent sans nouvelle union de sexes. Les saules pleureurs, dit M. Geddes, ne sont pas rares en Angleterre ; cependant, comme ils n’y fleurissent jamais, ils ont tous dû venir de boutures, par multiplications « asexuelles. » Les hydres, les vers de terre coupés en morceaux reproduisent le tout. Chez les protozoaires, la multiplication commence par une rupture presque mécanique : la