raire, mais aussi religieuse, politique ou sociale, des principaux écrivains d’une époque, c’était aussi une tâche qui pouvait tenter un savant. Après que Taine a inauguré, ou plutôt dégagé, la méthode qui consiste à rechercher dans la race, le milieu et le moment, les influences qui « conditionnent » l’artiste, on pouvait rêver de compléter cette méthode en prenant l’écrivain non plus comme un effet, mais comme une cause, et en recherchant alors les effets de cette cause. On voit tout de suite que ce travail devient presque impossible à faire pour les générations présentes, parce qu’il y est ou trop facile, s’il s’agit de pures imitations d’écoles, ou trop difficile, s’il s’agit de l’action des vrais artistes les uns sur les autres, ou sur leurs contemporains. On voit en même temps qu’il reste éternellement ouvert, et privé de conclusion, car nous ignorons les effets que pourront produire, ou ne pas produire, demain, les causes présentes ou passées ; et en tout cas chercher à les deviner n’est pas du ressort de la science. Nous ajouterons que ce travail, même restreint aux générations passées, est souvent fait pour leurrer, car de ce que deux manifestations un peu semblables d’idées viennent à se produire l’une après l’autre, il ne s’ensuit pas forcément que la seconde ait été motivée par la première en date. Toutes deux peuvent provenir de causes plus anciennes, plus profondes, plus obscures, les plus vraiment actives souvent, et qui n’en échappent pas moins le plus facilement à l’observation. M. Brandes, lui, n’a jamais hésité à se prononcer : il s’est représenté, d’une façon vraiment bien rudimentaire, nous l’avons vu, l’esprit général d’une partie de l’Europe pendant cinquante années, et, sans doute parce qu’il était professeur de littérature et qu’il attachait une importance démesurée à la littérature, il a conclu que cet état d’esprit ne pouvait être qu’un résultat de la littérature. Vous êtes orfèvre, monsieur Josse ! .. Mais six lourds volumes pour détendre ainsi ce paradoxe de la toute-puissante influence des littératures, nous estimons que c’est un peu trop.
« Ce qui prouve, de nos jours, qu’une littérature vit, a dit quelque part M. Brandes, c’est qu’elle met des problèmes en discussion. Ainsi, par exemple, George Sand : la question du mariage ; Voltaire, Byron et Feuerbach : celle de la religion ; Proudhon : celle de la propriété ; Alexandre Dumas fils : les relations entre les deux sexes ; Émile Augier : les relations de société. Mais qu’une littérature n’apporte aucun problème à résoudre, cela signifie qu’elle est sur le point de perdre toute signification. » M. Brandes croit-il donc que tout justement « de nos jours » il y ait de nouvelles lois pour faire des chefs-d’œuvre ? Et puis vraiment, même de nos jours, n’est-ce pas, comme cela fut de tout temps, la part éternelle d’hu-