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LA CHIMIE DANS L’ANTIQUITÉ.

avait pris le mot mercure vulgaire et comment le mercure des philosophes représentait une sorte de quintessence, commune à ces diverses sortes de mercure, c’est-à-dire la matière première des métaux, susceptible d’être changée par la teinture en or ou en argent. Il s’agissait soit d’extraire réellement ce mercure des métaux ordinaires, pour le teindre ensuite en or ou en argent ; soit et plutôt d’opérer sur sa substance en puissance, telle qu’elle était contenue dans le cuivre, dans le plomb, dans l’étain ou dans le fer, pour éliminer les qualités contraires et compléter les qualités conformes, par des agens convenables, en même temps qu’on en opérait la teinture. Les agens tinctoriaux étaient eux-mêmes désignés sous le nom générique de pierre philosophale.

Telle était la théorie philosophique et tels étaient les faits d’expérience sur lesquels s’appuyaient les essais de transmutation chez les alchimistes gréco-égyptiens. Dirigés par ces idées, ils obtenaient, en effet, toute sorte d’alliages métalliques, les uns blancs et presque inaltérables comme l’argent, auquel on les assimilait ; les autres jaunes et d’une stabilité comparable à l’or, dont on leur donnait le nom. L’or et l’argent véritables entraient d’ailleurs le plus souvent dans la composition de ces alliages ; ils jouaient le rôle de semence, et on croyait les multiplier par l’action de certains fermens, à la façon des êtres vivans. Mais les alchimistes avaient dû s’apercevoir bien des fois qu’il ne suffisait pas de réaliser les prétendues recettes de transmutation pour fabriquer de l’or et de l’argent : après avoir obtenu des métaux qui en possédaient l’apparence et un certain nombre de propriétés, il en manquait toujours quelques-unes, et c’est ici qu’intervenait la partie mystique de leur science.

« Ne va pas croire, dit Olympiodore, que l’action manuelle seule soit suffisante ; il faut encore celle de la nature, une action supérieure à l’homme. » C’était par les prières et les formules magiques que l’on devait compléter la transmutation.

En attendant, la confusion entre l’argent véritable et les alliages blancs, désignés sous le nom d’asem ou argent d’Égypte, entre l’or véritable et certains autres alliages jaunes, était soigneusement entretenue par les alchimistes dans l’esprit de leurs adeptes et surtout dans celui du public. Ils allaient même jusqu’à désigner sous le nom d’or et d’argent des métaux simplement teints à leur surface par l’action du mercure et des sulfures d’arsenic, voire même des métaux recouverts d’un vernis doré. Cette confusion de langage existe même dans les industries de notre temps, quand elles parlent des ors d’une teinture ou d’une étoffe.

Les recettes de la chrysopée et de l’argyropèe du faux Démocrite,