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naturels, le Mazdéen voit partout des êtres surnaturels, et il érige nos microbes en daêvas. « Quand la vie quitte le corps, un démon s’en empare ; c’est la Druj du cadavre, Druj Nasu ; elle fond de la région de l’enfer sous la forme d’une mouche horrible — la mouche des cadavres. Pour la chasser, on approche du mort un chien blanc aux oreilles jaunes. Au moment où le museau du chien touche le mort, la Druj s’enfuit. C’est ce qu’on appelle le Sag-did, le « regard du chien. »

On s’est étonné de voir le chien, qui est considéré par la plupart des peuples orientaux comme un animal immonde, jouir chez les Mazdéens, épris à un si haut degré de la pureté, d’une telle estime. La raison n’en serait-elle pas que le chien est l’ami et le protecteur de l’homme, l’adversaire toujours en éveil de ses ennemis, peut-être aussi le gardien des troupeaux, qui sont une des principales préoccupations du législateur perse. Tout un chapitre du Vendidad est consacré aux lois destinées à le protéger :

« Mal nourrir un chien de chasse, 50 coups ; un chien errant, 70 ; un chien de garde, 90 ; un chien de berger, 200. Tuer un chien, de 500 à 800. Tuer un hérisson, 1,000 coups. »

La protection accordée au hérisson, qui est un grand destructeur de bêtes nuisibles, nous explique la cause de celle dont jouit le chien. Elle s’étend, d’ailleurs, à tous les animaux domestiques. Sans prêcher, comme le bouddhisme, la charité universelle envers les êtres, qui oblige l’homme à considérer tous les êtres vivans comme ses frères, le mazdéisme a proclamé les devoirs de l’homme envers l’animal, en particulier envers le bœuf, qui l’assiste dans son travail, le nourrit de sa chair et l’habille de sa peau. L’avènement du zoroastrisme est représenté comme l’avènement de la justice pour les animaux et, suivant l’expression de M. Darmesteter, comme une sorte de 1789 de l’espèce bovine.

Le Hâ 29, qui contient cette proclamation des droits des animaux, s’ouvre par les doléances du bœuf. « L’âme du bœuf pleurait vers les Amshaspands : Pourquoi m’avez-vous créée et qui m’a formée ? Me voici en proie au violent, au bandit, au brutal, à qui me déchire, à qui me dérobe. Je n’ai de protecteurs que vous : « Assurez-moi donc une bonne pâture. » Et cette plainte se répercute jusque dans le Bundehesh, qui lui a donné les proportions d’un véritable drame mythologique.

« Lorsque mourut le taureau Evak-dât, le taureau unique, au moment où l’âme du taureau sortait du corps, Gôshûrûn, l’âme du taureau, se tint devant lui, et poussa vers Auhrmazd une plainte aussi retentissante que si 1,000 hommes criaient à la fois : « À qui as-tu laissé le gouvernement des créatures, maintenant que la