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comparée, le bouddhisme et le pali, le zend, étaient également de son domaine. On a apprécié ailleurs son œuvre.

Parmi les études auxquelles son génie a ouvert des voies nouvelles, le zend, la langue sacrée des écrits de Zoroastre, est sans doute celle où il a laissé la trace la plus profonde et la plus personnelle. On peut dire que la clé du zend nous a été livrée par deux hommes, dont cette découverte restera la gloire impérissable : Anquetil-Duperron, qui nous a rapporté de l’Inde des manuscrits authentiques de l’Avesta, et Eugène Burnouf, dont le génie a su les interpréter et mettre en œuvre ces matériaux. Pour arriver à déchiffrer ces textes inconnus, écrits dans un alphabet inconnu lui-même, Eugène Burnouf eut recours aux anciennes traductions pehlvies, elles-mêmes encore en grande partie inexpliquées, de l’Avesta. C’est en les rapprochant mot pour mot du texte original qu’il parvint à déterminer les lois de l’interprétation de la langue zende. Il se l’est si bien appropriée, que ceux qui ont poursuivi ses recherches, dans des directions parfois assez différentes, sont tous restés ses tributaires.

La traduction d’un pareil ensemble de textes ne peut, en effet, être l’œuvre ni d’un homme, ni d’une génération. À côté de l’école traditionnelle, fondée par Eugène Burnouf et dont M. Spiegel a été de notre temps le plus illustre défenseur, il s’est formé une école étymologique, qui a pour chefs MM. Roth et Geldner, et qui cherche à résoudre les difficultés encore très considérables que présente l’intelligence de l’Avesta, par la grammaire comparée, c’est à-dire en expliquant directement les mots zends, dont la lecture est aujourd’hui parfaitement déterminée, par les formes correspondantes que fournit la comparaison, soit du sanscrit, soit des autres langues de la même famille.

C’est au milieu de ce débat qu’est venu prendre place M. Darmesteter. Après Burnouf, Westergaard, de Harlez, Spiegel, Roth, Geldner, il n’a pas craint de s’attaquer à l’Avesta. L’Académie des inscriptions et belles-lettres a donné sa consécration à ses travaux, en le désignant pour le prix de 20,000 francs, que l’Institut décerne, tous les deux ans alternativement, « à l’œuvre ou à la découverte la plus propre à honorer ou à servir le pays, qui s’est produite, pendant les dix dernières années, dans l’ordre des travaux que représente chacune des cinq académies. »


I

Il est difficile de parler des travaux de M. James Darmesteter sans parler de sa personne, tant l’homme et le savant sont