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bains complets. Pendant le bain, les vêtemens sont soumis à la désinfection dans des étuves. La réception commence à quatre heures de l’après-midi et dure jusqu’à deux heures de la nuit. À huit heures et demie, chacun reçoit 5 décilitres de soupe et 200 grammes de pain ; le matin, au départ, même ration. Ce sont les agens de la municipalité qui sont chargés du maintien de l’ordre. En 1890, on a reçu 214,541 hommes et 12,834 femmes. La plus grande fréquence se produit en décembre et la moindre en été. Il existe en outre deux asiles privés qui ont reçu 108,000 hommes et 15,447 femmes en 1890. Le même individu n’est reçu que cinq fois dans le courant du mois.

Quant à ceux qui fréquentent l’asile municipal trop assidûment, ils sont mis le matin en présence d’un fonctionnaire de la police qui leur donne cinq jours pour se procurer un domicile ; à défaut de cela, ils sont conduits au petit parquet.

Les personnes âgées de plus de soixante ans ou celles qui sont invalides ne sont pas soumises à cette règle.

Il en résulte que l’asile municipal compte un certain nombre d’habitans permanens[1].

Le malfaiteur berlinois présente les mêmes traits caractéristiques que ses confrères étrangers. Il est dévoué à ses complices, considère la trahison comme le plus noir des crimes, ment avec effronterie. Il jouit d’un grand prestige en province. Michael Davitt,

  1. Dans une excursion que nous avons faite, il y a quelques années, dans les bas-fonds de Berlin, en compagnie d’un agent supérieur de la police, nous avons visité l’asile de nuit municipal avant sa reconstruction. Il était occupé par 207 malheureux, tandis qu’en hiver on en comptait jusqu’à 700 ou 800, auxquels il était alors impossible de se coucher et qui devaient passer la nuit assis sur des bancs ; ils avaient assez de place pour s’étendre tout de leur long. Le soir où nous y allâmes, cet asile de nuit se composait de trois baraques en bois, appartenant à la municipalité, qui se chargeait de l’entretien. On y recevait les gens jusqu’à deux heures du matin ; ils devaient décliner leur nom et ils ne pouvaient se présenter plus de trois fois de suite ou à courts intervalles, sans s’exposer à des poursuites pour vagabondage. — La police surveillait de très près les gens qui fréquentent cette hôtellerie gratuite de la misère. L’air y était singulièrement lourd et irrespirable. À l’exception de deux ou trois individus qui causaient avec un air de gravité intense, tout le reste dormait et ronflait. Les bancs étaient très étroits et le confort faisait absolument défaut. Il est impossible d’améliorer la couche de ces malheureux sans les attirer en plus grand nombre. Un contraste frappant, c’est la Herberge zur Heimat (l’Auberge du. Foyer), que j’ai visitée après cela. Cette auberge a plus ou moins une couleur religieuse, en ce sens qu’on y dit la prière à haute voix soir et matin, et qu’il y a sur le mur d’entrée l’inscription : « Prie et travaille. » Mais on y accueille tout le monde, sans distinction de religion, et on ne force personne à écouter la prière. Cette auberge est destinée aux ouvriers et artisans qui passent par Berlin. On ne peut y loger-que trois jours de suite. Un lit coûte 0 fr. 37, 0 fr. 62, 1 franc et 1 fr. 25. J’ai été frappé de la propreté extrême de la maison et des lits. L’auberge prospère, bien qu’on n’y vende d’autre boisson que la bière.