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volume de 250 pages environ : Die Verbrecherwelt von Berlin, par O. E., qui a fait une assez grande sensation en Allemagne et dont la lecture nous a vivement intéressé. L’auteur connaît admirablement la matière dont il parle, il écrit sans phrases, et les conclusions auxquelles il arrive sont marquées au coin du bon sens. Il évalue à environ 30,000 le nombre des malfaiteurs de toute catégorie, « de la haute et de la basse pègre. » On connaît à Berlin peu de familles criminelles, composées de parens qui élèvent systématiquement leurs enfans pour le vol. Cela n’empêche certainement pas l’influence de l’hérédité de se faire sentir : si les enfans tournent mal, la faute en est au milieu bien plus qu’aux enseignemens directs, qui sont fort rares.

Berlin souffre de l’insalubrité et de l’encombrement des logemens, pour le moins autant que les autres capitales d’Europe et d’Amérique, et cela malgré la vigilance de la police et un grand nombre de règlemens concernant l’hygiène et la construction des maisons. 75,000 logemens à Berlin, abritant 270,000 personnes, se composent d’une seule pièce. La densité de la population sur certains points est énorme, elle est fort nuisible à la santé morale et physique des habitans. Les descriptions faites par M. le docteur du Mesnil, M. d’Haussonville et M. Maxime Du Camp, des quartiers misérables de Paris s’appliquent également à Berlin ; c’est la même saleté, le même dénûment. Peut-être plus qu’en France, trouve-t-on en Allemagne l’habitude de prendre un ou deux coucheurs à la nuit, qui s’étendent par terre, et partagent au besoin ! e lit du mari et de la femme.

Ces bouges servent de logemens à la population pauvre, à l’ouvrier honnête et à sa famille, au voleur de profession. L’influence moralisatrice de l’école est très souvent impuissante à combattre l’effet corrupteur de ces habitations encombrées, où toutes les promiscuités existent. Le vice et la débauche, la brutalité s’y apprennent tout seuls. À Berlin, le nombre des adolescens qui pratiquent le vol est très considérable. Les gamins enlèvent les objets, jouets ou friandises, à l’étalage des boutiques, s’emparent de pigeons ou de chiens. Les petits sapins qu’on vend en décembre pour en faire des arbres de Noël exercent une fascination extraordinaire sur les voleurs précoces. À côté de la mansarde démeublée et du ruisseau, certains cabarets mal fréquentés servent d’académie du crime. Berlin abonde en débits de boissons de toute nature, plus de 6,000, soit un pour 200 habitans. Ici, comme ailleurs, la profession de débitant est le dernier refuge pour des gens qui n’ont pas réussi et qui préfèrent un métier facile. Comme les malfaiteurs ont besoin de communiquer entre eux, c’est au cabaret qu’ils se rencontrent et se donnent rendez-vous. La classe inférieure fréquente de