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résulte une habileté plus grande de la part des voleurs de profession. Afin de ne pas rester désarmée, la police a dû également avoir ses spécialistes, et à chaque grande catégorie professionnelle, on oppose un commissaire de la sûreté, chargé exclusivement des affaires se rapportant à la catégorie. Un fonctionnaire s’occupe des vols par effraction, un autre des vols dans les garnis et les chambres à la nuit, un troisième des escrocs et des joueurs, un quatrième des souteneurs, etc. La même division a été appliquée dans l’album des criminels que j’ai pu feuilleter et qui est naturellement fort intéressant. Cet album a une utilité incontestable, et, grâce à la classification adoptée, lorsqu’une personne vient se plaindre d’avoir été victime d’un vol, on lui montre les photographies des voleurs connus pour pratiquer le genre spécial. Cela facilite la reconnaissance du voleur. Mais souvent lorsqu’on amène l’individu dont la photographie a été déclarée ressemblante, la victime hésite et ne reconnaît plus avec certitude.

Berlin est l’une des capitales européennes dont la population s’est le plus rapidement accrue. En 1840, elle ne comptait que 300,000 habitans ; en 1850, elle en avait déjà 600,000 ; 826,000 en 1871 ; 966,000 en 1875. Elle en renfermait 1,578,000 en 1890. C’est une progression annuelle[1] d’environ 4 pour 100, qui dépasse celle de Londres et de Paris. Sur ce chiffre, 40 pour 100 seulement des habitans sont nés à Berlin même ; l’accroissement de la population est le résultat de l’immigration incessante de la province. Celle-ci a été stimulée par la transformation de Berlin en capitale de l’empire, par la concentration des grandes administrations de l’État, par le développement du commerce et de l’industrie. Le nombre des fabriques va grandissant, et le contingent de la population ouvrière est excessivement considérable. On sait que le parti socialiste y dispose d’un grand nombre d’adhérens[2].

L’attraction des grandes agglomérations d’hommes est un fait connu. On afflue vers la capitale dans l’espoir d’y trouver de

  1. La progression a été surtout considérable depuis 1860 ; de 1860 à 1880, le chiffre a doublé, et actuellement il est trois fois plus considérable qu’il y a trente ans. Une ville aussi peuplée, où la circulation est d’une rare intensité jour et nuit, dans laquelle les intérêts du commerce et de l’industrie sont de premier ordre, exige une grande activité de la part de l’autorité chargée d’y assurer la sécurité sous toutes ses formes. L’essor de Berlin date du règne de Frédéric-Guillaume IV, au fur et à mesure que les communications par voie ferrée ont mis la capitale en contact avec les provinces et l’étranger. En 1838, l’ouverture de la ligne Berlin-Potsdam était une expérience timide d’un mode de locomotion nouveau, qui, à ses débuts, n’éveilla pas beaucoup d’enthousiasme ; en 1880, onze lignes de chemins de fer pénétraient dans Berlin, sans compter le chemin de fer métropolitain achevé en 1881.
  2. Sur 373,930 électeurs inscrits, les socialistes ont obtenu au premier tour de scrutin, le 15 juin 1893, 150,977 voix, ( ? ? ?) de plus qu’en 1890.