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Porto-Bello, brûla Panama, dévasta le Nicaragua et s’en fut mourir en paix, chargé de butin, à la Jamaïque, semait la terreur sur ces mers.

À ce genre d’industrie, aussi lucratif qu’éphémère, en succède aujourd’hui un autre, plus légitime et plus régulier, qui chaque année s’étend et s’accroît, qui n’est encore qu’à ses débuts, mais qui s’annonce comme devant porter loin la fortune de Nassau. C’est celui des fruits. Tout ce que les Bahama en produisent se concentre à Nassau, devenu le principal port d’expédition pour les États-Unis, mais ce que les Bahama, et avec elles Cuba, la Jamaïque, Haïti, Saint-Domingue et les autres Antilles en produisent est loin encore de suffire aux demandes. Ni le Honduras, ni le Venezuela ne parviennent à rétablir l’équilibre ; à mesure que la production grandit, la consommation augmente ; la première peut décupler sans satisfaire la seconde.

Il n’est pas de peuple, en effet, dans l’alimentation duquel les fruits entrent pour une aussi large part que le peuple américain. Dans toutes les grandes villes des États-Unis, on est frappé de l’extension croissante de ce genre de commerce. Du haut en bas de l’échelle sociale, dans toutes les classes, la consommation des fruits est énorme ; dans les États de l’est, de l’ouest et du sud, les vergers se multiplient ; ceux de la Californie sont célèbres par la variété, la beauté et la saveur de leurs recolles, mais c’est aux Bahama et aux Antilles que l’on demande les produits des tropiques qui déjà figurent à l’importation pour un chiffre considérable.

Au premier rang, le bananier, musa paradisiaca. Il fut, au dire des chrétiens d’Orient, l’arbre fatal de la science du bien et du mal, celui dont le fruit savoureux tenta Eve et dont la large feuille lui servit à voiler sa nudité que lui révélait sa conscience troublée. La banane est plus salubre et plus nourrissante qu’aucun fruit ; elle est aussi plus abondante et plus appréciée des Américains ; elle convient aux enfans comme aux adultes, ne contient ni pépins ni noyaux, ne donne presque aucun déchet.

La culture, sur une grande échelle, en est de date comparativement récente. Les débuts de cette culture et les résultats qu’elle donne valent d’être étudiés au point de vue des progrès rapides d’une exploitation et d’un commerce peu connus en France et dont l’extension dans nos colonies pourrait donner d’heureux résultats. Ce qui se passe à Cuba et à la Trinidad, à la Jamaïque et aux Bahama ne saurait être indifférent pour nous, dont l’empire colonial n’est inférieur qu’à celui de l’Angleterre, s’étend sous les mêmes latitudes, jouit du même climat et renferme des terres aussi fécondes. L’initiative prise par un homme intelligent et actif fut le point de