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recherchées sont aussi les grandes violettes roses, récemment acclimatées, mais dont la culture est encore incertaine et si difficile que les fleuristes ne s’engagent jamais d’avance à en livrer. Quand ils en ont, ils avisent leurs clientes, lesquelles font assaut de libéralité pour les obtenir. On les expédie dans des coffrets à air froid d’où elles ne sortent que pour briller une soirée au corsage d’une des reines de la mode.

Les horticulteurs américains firent donc aux propositions du général Hastings un accueil des plus favorables ; mais, bien que la traversée des Bermudes à New-York ne prît que trois jours, les essais d’envoi des fleurs coupées ne réussirent pas ; force fut de se rabattre sur les bulbes. Ceux-ci prospérèrent, et les prix offerts furent tels que le général Hastings résolut de tenter l’expérience sur une grande échelle et de s’assurer des résultats que donnerait la vente, non plus de bulbes récoltés çà et là dans des jardins négligemment entretenus, mais provenant de plantes cultivées avec soin. Il entrevoyait dans cette exploitation une source importante de profits pour les habitans ; il le leur expliqua et les invita à se mettre à l’œuvre. Défians, comme tous les paysans, ils s’abstinrent, suivant avec incrédulité les essais de M. Russel Hastings ; mais, quand ils virent les commandes affluer, les envois se succéder, ils s’empressèrent de suivre son exemple ; aujourd’hui, riche ou pauvre, chaque cultivateur a son champ de lis dont l’étendue dépend uniquement des capitaux et du terrain dont dispose le propriétaire.

La culture en est simple, mais un sol riche et abondamment pourvu de fumier est nécessaire, car le lis est une plante très épuisante. Les bulbes sont plantés à des intervalles de 50 centimètres en août, septembre et octobre ; les fleurs, au périanthe campanule, long de 15 centimètres et du blanc le plus pur, commencent à apparaître en janvier et persistent jusqu’en mai. Ces fleurs sont portées, par groupe de huit à quarante, sur une hampe dont la longueur varie de 65 centimètres à 1m,30 ; on a vu même une seule tige en porter 145. La récolte des bulbes commence au milieu de juin et dure jusqu’à la fin de septembre ; on procède au triage des bulbes sortis de terre ; ceux qui ont une taille marchande, c’est-à-dire de 15 à 25 centimètres de circonférence, sont expédiés dans des caisses de sciure de bois sur New-York, Londres et Paris, où on les plante dans des pots mis en serre pour obtenir des fleurs pendant l’hiver.

Rien de plus curieux que la puissance de reproduction de cette plante. « On peut, dit une revue spéciale anglaise, Garden and Forest, se procurer des bulbes, soit en semant les graines, soit en