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peu différente, dans sa composition et dans ses tendances politiques, de celle qui a terminé il y a quinze jours sa peu brillante carrière.

Ce qui serait plutôt de nature à causer au marché financier quelque préoccupation, c’est le développement non interrompu des difficultés monétaires avec lesquelles sont aux prises nombre d’États étrangers, et notamment deux pays voisins dont le crédit avait été si longtemps soutenu par l’aide des capitaux français, l’Italie et l’Espagne.

La rente italienne a perdu près de quatre points depuis le détachement du dernier coupon semestriel, soit depuis un peu plus d’un mois. À la fin de juillet, elle se tenait en équilibre très instable aux environs du cours de 87 fr. La voici maintenant à 86 fr., on l’a même vue à 85.85. Cette chute rapide d’un fonds d’État qui pendant une longue série d’années avait été un placement favori de l’épargne française se rattache à des causes à la fois politiques et financières, sur la portée desquelles l’attention des capitalistes a été bien des fois appelée à cette place.

Longtemps un syndicat italo-allemand a pu soutenir artificiellement les cours de la rente italienne contre toutes les raisons de dépréciation du crédit du royaume. Le moment est venu où ce syndicat ne peut plus suffire à sa tâche et laisse tomber les prix sur un marché impuissant à absorber les titres flottans. Et cette baisse survient au moment même où l’on pourrait supposer que les efforts persévérans du cabinet Giolitti réussiront enfin à arrêter les finances italiennes sur la pente de la banqueroute éventuelle. Les difficultés monétaires présentes du royaume sont, il est vrai, encore formidables : le change s’est élevé à 109 fr., le cours forcé est pratiquement rétabli en Italie, toute monnaie d’or ou même d’argent ayant disparu, y compris les pièces divisionnaires, dont sont inondées la Suisse et la France.

La dette flottante du royaume s’élevait, à la fin de juin 1893, à 493 millions de lires, et à 624 millions, si l’on y comprend 131 millions de bons septennaires du trésor, dont 75 ont été émis en 1891-92 et 56 en 1892-93. M. Giolitti serait décidé à consolider cette énorme dette remboursable à court terme par une grande opération dont les circonstances détermineront l’époque et les modalités, mais que l’on présume dès maintenant devoir prendre la forme d’un transfert à une société privée (consortium italo-allemand] du monopole des tabacs. Déjà on aurait offert à l’Italie une somme de 400 millions pour la cession de ce monopole, Le gouvernement trouverait là les moyens d’amortir 300 millions de la dette flottante et en même temps de surmonter les embarras, aujourd’hui inextricables en apparence, que lui cause l’émigration de la monnaie divisionnaire d’argent.

Si la hausse du change est la raison la plus immédiate de la mauvaise