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du pontificat : en 1878, le pape paraissait compter principalement sur le travail de la diplomatie ; en 1887, sur l’adhésion spontanée des chrétiens séparés.

Les espérances de Léon XIII ne sont point des espérances platoniques, confiées uniquement à la bonne volonté des hommes et à la grâce de Dieu. Il travaille activement à leur succès. Il a multiplié les avances à l’égard des églises d’Orient ; il n’est rien qu’il ait négligé pour complaire aux chrétiens unis. Colons de l’église romaine en terre schismatique, ils avaient été alarmés, sous Pie IX, par deux constitutions qui enlevaient aux patriarches, pour la transférer au pape, la nomination des évêques d’Arménie et de Chaldée. Les chrétientés unies, jalouses de leur autonomie, tremblaient aussi pour leurs rites. Devenues ombrageuses, elles appuyèrent la minorité au concile du Vatican ; il y eut presque des révoltes contre les prétentions de la propagande. Lorsque mourut Pie IX, le mal était grave ; par d’habiles mesures Léon XIII détourna du schisme les chrétiens unis d’Orient. Une fois leur affection reconquise, il rêva de conquérir celle des schismatiques.

Ce furent surtout des susceptibilités, aigries et développées par des conflits d’intérêts politiques, qui séparèrent jadis l’Orient et l’Occident. Elles peuvent être atténuées ou rassurées. En 1880, Léon XIII créa cardinal Mgr Hassoun, patriarche d’Arménie ; il y avait quatre siècles que les portes du sacré-collège ne s’étaient point entre-bâillées en faveur d’un Oriental. Non moins importante, la même année, fut l’encyclique Grande munus : elle annonçait urbi et orbi que la fête des saints Cyrille et Méthode serait célébrée dans toute l’église le 5 juillet de chaque année. Cyrille, Méthode, fondateurs du catholicisme slave, firent reconnaître par Rome, centre de l’unité, la variété des langues liturgiques. Les églises séparées les vénèrent comme des ancêtres et l’église romaine comme des fils. Leur mémoire est un trait d’union entre l’Orient grec et l’Occident latin. Le pape actuel a toujours recherché les traits d’union ; de là l’importance extraordinaire qu’il vient d’attacher à la réunion eucharistique de Jérusalem.

L’entente des deux églises, à l’égard de la transsubstantiation, est complète ; on a donc célébré un dogme qui les rapproche. On n’a pas prononcé le mot de schismatiques, mais seulement celui de frères ; on a laissé voir, plutôt qu’on ne les a énoncées en termes impérieusement précis, les « conséquences providentielles » que l’on pouvait attendre du congrès. Les chancelleries ennemies de la France, auxquelles cette pacifique croisade déplaisait fort, avaient communiqué entre elles et manœuvré à Constantinople et à Rome, pour empêcher la mission du légat français. L’apostolique Autriche faisait bon marché des « conséquences providentielles » qu’on espérait au point de vue