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et définitivement adhéré à la république, et qui, faute d’un candidat néo-républicain, s’il ne s’en trouve pas dans leur circonscription, porteront volontiers leurs suffrages, suivant le sage conseil que leur en a donné M. Piou, sur un républicain de vieille date, appartenant à la gauche libérale ou à l’opportunisme modéré. On s’est beaucoup moqué des ralliés, depuis dix-huit mois, à droite comme à gauche. Nous allons bien voir si leur tactique était vaine, si leur patriotique campagne a été comprise ou non par le pays. Bien des gens se sont demandé comment on devrait les accueillir, si la porte devait être pour eux ouverte ou fermée ; et l’on a généralement conclu, malgré le proverbe, qu’elle ne devrait être ni l’un ni l’autre, mais plutôt entr’ouverte, qu’on « prendrait note de leur demande » et qu’on en recevrait du moins quelques-uns… à correction.

Toutes ces subtilités disparaissent devant les urnes. Aux deux dernières élections législatives de 1885 et 1889, l’écart des voix entre les républicains et leurs adversaires n’a pas été très supérieur à 500,000, dans l’ensemble de la France ; chiffre qui, sur 7 à 8 millions de votans, ne représente pas une majorité énorme. On s’accorde à croire qu’une bonne partie de ces opposans de naguère sont aujourd’hui acquis au régime actuel et, ce qui le prouve, c’est le nombre des députés de droite qui ne se représentent pas et le changement de langage de presque tous ceux qui se représentent. Beaucoup de ceux-là, nous le savons de bonne part, n’auraient pas demandé mieux que de se joindre à la petite phalange présidée par le prince d’Arenberg ; mais, par une sorte de point d’honneur ou de délicatesse de conscience vis-à-vis du corps électoral, ils craignaient de n’en avoir pas le droit.

Nommés sur un programme d’opposition, ils estimaient que leur devoir était de s’y tenir, du moins jusqu’à ce qu’ils eussent reçu une nouvelle mission, une nouvelle investiture du suffrage universel. De plus, l’élément mondain, qui pèse toujours d’un certain poids sur l’état-major du parti conservateur, leur inspirait une fâcheuse timidité. Tout cela maintenant se dissipe et s’évanouit. Il est certain que le plus grand nombre des anciens représentans du côté droit, ou reviendront avec une nouvelle étiquette, ou ne reviendront pas ; et il est non moins certain que les députés qui les remplaceront seront des députés modérés. Il n’y a donc aucune témérité à prévoir que le chiffre des républicains se trouvera porté, de près de 400, à plus de 500, dans la future chambre ; et que, sur ces 500, il s’en rencontrera aisément 350 pour former une majorité gouvernementale tempérée.

Ce compromis sera dû évidemment à la marche générale des faits, à cette lassitude naturelle qui suit les luttes longues et les échecs répétés, mais le rôle pacificateur du saint-siège, de celui que les révolutionnaires appellent « le vieux du Vatican, » n’y aura pas peu contribué. Ce rôle, il l’a poursuivi sans relâche, durant des années difficiles,