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était indispensable, et, dix ans après, l’administrateur Partarrieu et Brémontier lui-même constataient officiellement les bons résultats obtenus.

Avec la puissance d’action qu’il tenait de ses fonctions, l’ingénieur, désormais instruit des véritables procédés à employer, les appliqua résolument. En 1801 et 1802, sept ateliers furent ouverts entre Bayonne et le Verdon. Non-seulement on arrêtait les dunes, mais, comme l’avait indiqué Baleste-Marichon, on ensemençait les lettes pour se procurer plus rapidement les branchages destinés aux couvertures. Dès ce moment Brémontier, avec une grande habileté, commençait à s’attribuer la gloire d’une invention qu’après s’y être opposé, il n’avait fait que mettre tardivement à exécution. Des réclamations s’élevèrent. M. Tassin, secrétaire-général des Landes, délégué par le préfet, M. Méchin, rappela en vain dans un rapport les insuccès de 1787 et 1788, ainsi que la part qui revenait aux divers inventeurs, l’ingénieur eut le talent de tout réduire au silence. Pour plus de sûreté, il rédigea de sa main un certificat rempli d’éloges sur sa propre personne, niant que « qui que ce soit avant le citoyen Brémontier ait fait travailler efficacement à la fixation et à la fertilisation des dunes. » Il le fit signer par des membres du conseil municipal de la Teste et, une fois en possession de ce document, le 5 pluviôse an XI, il écrivit, de la même plume, une lettre pour remercier les signataires de leur déclaration spontanée. La comparaison des deux autographes reproduits dans une brochure du docteur A. Lalesque[1], publiée en 1884, établit le fait d’une manière indiscutable.

En résumé, Brémontier était ingénieur en chef des ponts et chaussées, alors que, d’après les méthodes combinées de Baleste-Marichon, Desbiey, Charlevoix de Villers et Pierre Peychan, les dunes du golfe de Gascogne furent arrêtées et fertilisées.

Peychan eut le tort de ne point soutenir ses droits ; inspecteur des travaux des dunes, pour les départemens de la Gironde et des Landes, il fut sans doute effrayé d’entrer en lutte avec un homme aussi haut placé que l’était Brémontier et qui, de plus, était son supérieur hiérarchique. Il se contenta de rassembler et de conserver les lettres et documens qui, dans la suite, devaient servir à établir la vérité. Il mourut presque inconnu en 1804. Et aujourd’hui, du haut du monument de la ville d’hiver d’Arcachon, le buste en bronze de Brémontier sourit avec bienveillance aux hommages

  1. Coup d’œil rétrospectif sur les dunes mobiles du golfe de Gascogne et sur leur immobilisation dans les temps anciens et modernes, par le docteur A. Lalesque aîné, ancien conseiller-général de la Gironde. Bordeaux, 1884 ; G. Gounouilhou.