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l’empire d’une sorte d’instinct leur interdisant de détruire ce rempart contre les vents, le flots et le sable ? Les besoins de l’industrie étaient alors peu exigeans, et l’exploitation si ancienne de la résine et de ses dérivés, loin de demander l’abatage des pins, conseillait au contraire de les garder longtemps vivans et même d’en augmenter le nombre. Il est possible aussi que les courans marins n’eussent point autrefois la même direction, de sorte que l’apport de leurs sables était nul ou beaucoup moindre qu’aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, la forêt s’étendait jusqu’au bord même de l’Océan et la dune n’existait pas.

On pense que l’apparition de celle-ci date du VIe siècle et est attribuable aux dévastations, aux incendies de forêts accomplis par les Alains, les Suèves et les Vandales, ou à la cause physique d’un changement de direction des courans marins et aériens. À partir de cette époque, le fléau s’exerce sans interruption et en augmentant toujours d’intensité. Le sable envahit les terres et engloutit les forêts, les champs et les habitations.

En 1727, un sieur Baleste-Marichon, maître chirurgien royal à la Teste, eut l’idée d’ensemencer les lettes, vallées comprises dans l’intervalle de deux dunes. L’opération réussit. Néanmoins, il faut reconnaître que le sable, moins mobile dans les creux protégés contre le vent, était dans des conditions particulièrement favorables et l’on ne se trouvait point aux prises avec les grandes difficultés du problème.

Le danger devenait pressant. En 1769, une commission fut nommée à l’effet d’y porter remède. Au nombre de ses membres était l’abbé Louis Desbiey, qui, avec son frère, habitait depuis longtemps le pays, y possédait des forêts et avait tenté d’arrêter la marche des dunes. L’examen auquel il se livra, son expérience passée, lui permirent de rédiger un mémoire intitulé Recherches sur l’origine des sables de nos côtes, sur leurs funestes incursions vers l’intérieur des terres et sur les moyens de les fixer ou du moins d’en arrêter les progrès. Le travail fut présenté le 25 août 1774 à l’académie de Bordeaux et récompensé par un prix en 1776.

À cette époque, la publicité scientifique était bien moindre que de nos jours où elle est dispensée avec tant de libéralité. Le mémoire couronné ne fut pas imprimé. Son manuscrit, déposé aux archives de l’académie, fut prêté par l’archiviste à un M. de Montausier qui le perdit. Un peu plus tard, Dupré de Saint-Maur, intendant à Bordeaux, pria avec instances Desbiey de vouloir bien lui confier la copie qui était restée entre ses mains, afin, comme le disaient les termes mêmes de la lettre de demande, « de la communiquer