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de l’hydrographie du bassin. Actuellement, je fais exécuter à Nancy une série d’analyses et d’essais de culture qui renseigneront exactement sur la valeur agricole des vases. Tout le monde gagnerait à ces dragages, ce qui n’est pas une raison pour qu’ils soient exécutés. Les intérêts des ostréiculteurs et des cultivateurs ne sont pas seuls en jeu ; on doit tenir compte de ceux des pêcheurs, car la pêche est une industrie importante d’Arcachon.

Une société locale, la Société scientifique d’Arcachon, montrant une initiative dont on ne saurait trop faire l’éloge, a fondé, le 3 février 1867, une station zoologique et océanographique qui a rendu de grands services. Elle se compose d’un bâtiment construit sur le bord du bassin, contenant six vastes laboratoires avec gaz, eau douce et eau salée sous pression, plusieurs viviers et un aquarium de vingt-deux bacs dont chacun est de la contenance d’un à deux mètres cubes, d’une bibliothèque et d’un musée réunissant les types zoologiques locaux. Un laboratoire annexe fonctionne à Guethary, dans les Basses-Pyrénées. L’institution, qui est la plus ancienne de France, puisqu’elle a fêté en 1892 le vingt-cinquième anniversaire de sa fondation, possède une autonomie absolue. Tout travailleur y reçoit une hospitalité aussi bienveillante que désintéressée ; on met à sa disposition des instrumens, des réactifs et jusqu’à un logis, car deux chambres et trois lits sont réservés aux hôtes de passage. Deux embarcations et deux marins assurent le service d’approvisionnement en animaux marins. Paul Bert, le docteur Jolyet et le docteur H. Viallanes[1], directeur de la station, pour ne citer que quelques noms, y ont exécuté de nombreux travaux. C’est là que M. Viallanes a fait ses belles expériences relatives à la propriété que possèdent divers mollusques de filtrer l’eau de mer à travers leurs branchies. Les particules nutritives en suspension sont avalées et assimilées, mais les particules minérales agglomérées par un mucus sont rejetées, s’entassent autour de l’animal et y subissent en présence de l’eau salée, grâce à la matière organique qui les imprègne, une série de réactions complexes. Elles se concrètent et forment des couches rocheuses solides du genre de celles aujourd’hui émergées et qui se déposaient jadis au fond des océans pendant les époques géologiques. Ces observations ont une importance capitale au point de vue de la géologie synthétique et expérimentale qui a enfin, et non sans peine, détrôné l’ancienne géologie purement descriptive. Au point de vue des intérêts industriels immédiats, M. Viallanes a démontré dans ses expériences que, pendant un même temps, une

  1. M. Viallanes vient d’être enlevé, par une mort prématurée, à la science et à ses nombreux amis et admirateurs.