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de soleil, versant la lumière à torrens, couvrant les flots de paillettes, faisant crier la blancheur des sables et vibrer les toits rouges des villas d’où l’air échauffé s’élance en colonne frémissante. Le tableau est cependant rempli d’une telle uniformité de richesse, éclairé avec tant d’intensité jusque dans ses détails les plus infimes que tout demeure en un unisson de splendeur sans que rien soit sacrifié. La justesse des proportions réduit ce que tel détail pourrait avoir d’excessif, et il devient possible à l’homme d’admirer, sans en être écrasé, la radieuse harmonie de ce qui lui paraît vaste comme un univers.

Voilà le spectacle qui se développe sous les yeux de quiconque consent à faire l’ascension de l’observatoire ; et les quinze centimes d’entrée dus au gardien, sans compter le prix du voyage, ne le paient véritablement pas trop cher. Nous allons maintenant descendre et, comme nous connaissons l’ensemble du pays, nous en examinerons à loisir et en détail les diverses parties : la ville d’hiver, la ville d’été, la plage, le bassin et les dunes.

La ville d’hiver est un labyrinthe, le triomphe de la ligne courbe, et, pour ma part, après bien des tentatives, j’ai décidément renoncé à reconnaître mon chemin dans ce dédale d’avenues où l’on entre comme l’on veut et d’où l’on sort comme on le peut. Je n’ai jamais essayé de la traverser sans m’y perdre. Pendant le temps que l’on consacre à errer à la recherche d’une issue, que souvent on ne trouve qu’à l’endroit même par où l’on est entré, le mieux, pour prendre patience, consiste à philosopher. On se rappelle certaines époques de l’existence où l’on forme de bonnes résolutions ; on décide fermement de diriger sa conduite d’après des règles fixes et mûrement réfléchies, de marcher, indifférent à tout, saut à ses déterminations, jusqu’à un idéal rêvé dont notre fermeté nous garantit la possession future. Hélas ! on a beau s’appliquer, les chemins de la vie sont courbes, eux aussi ; les bons et les mauvais se ressemblent à s’y méprendre ; on s’y égare, et les résolutions, que l’on a pourtant maintenues avec courage, ramènent directement au point de départ. On a peiné, lutté, et l’on n’est pas plus avancé qu’auparavant.

Chaque avenue est bordée de clôtures en barreaux de bois ou par des grilles de fer, derrière lesquelles sont des haies vives entourant des villas, qui se succèdent abritées sous les plus et toutes différentes d’architecture, ce qui finit par empêcher de les distinguer les unes des autres. Villas en pierres, en briques, en bois, villas à balcons, villas à toits en pignons, en auvens, rayant les façades d’une grosse bande d’ombre, villas à tourelles, villas à perron, villas à jardins ratisses, peignés, soignés, à gazons toujours