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très fort. La chambre de la 6e est propre, comme toute la caserne. Les lits ne sont pas très nombreux, car les effectifs sont restreints. Ils sont en fer, en forme d’X, et se plient pendant le jour, dans le sens de la largeur. Mon ami, qui est spécialiste, constate que « l’arrimage » de la 6e est excellent. Les vêtemens que les soldats rangent sur la planche, comme dans nos casernes, ne dépassent pas l’alignement, ni d’un côté ni de l’autre. Par-dessus, le sac en poil, notre vieux sac, que les peintres ont dû regretter ; par-dessous, le bidon en forme de tonnelet. Mais les vêtemens, pour chaque homme, sont en moins grand nombre que dans nos casernes. Le pain, que nous goûtons, est un peu inférieur à celui de nos troupes, et les magasins, où sont les effets de mobilisation, ne semblent pas renfermer un approvisionnement considérable. Peut-être que nous n’avons pas tout vu.

Au moment où nous prenons congé du colonel, celui-ci nous montre, ouvrant sur le couloir d’entrée, trois portes bardées de 1er. « Vous devinez, n’est-ce pas ? nous dit-il. En prenant possession de ce casernement, j’ai trouvé des inscriptions au-dessus de chacune : chambre de discipline, prison, etc. Je n’admets pas cela. Il ne faut pas que le soldat, en arrivant à la caserne, ait l’impression qu’il arrive dans une geôle, ou du moins dans un lieu où il sera malheureux et puni. Et, le jour même, j’ai tout effacé de ma main. »

Nous nous retirons, somme toute, avec une bonne impression, qui serait profitable à certains, dont l’opinion toute faite se refuse à étudier les progrès militaires accomplis chez nos voisins, et qui continuent de parler de l’armée italienne avec une grande légèreté.


— Quand nous avions demandé de quels points de l’Italie venaient les soldats du 27e d’infanterie : « de Livourne, d’Udine et de Messine, » nous avait-on répondu. Or Livourne appartient à la haute Italie, Udine à la moyenne et Messine à la basse. Tous les corps italiens, sauf les vingt-deux bataillons d’Alpins, exclusivement composés d’habitans des frontières nord, se recrutent ainsi, dans un ou deux districts des trois grandes zones territoriales. Dans le même régiment, dans la même compagnie, les hommes de provinces différentes se rencontrent, et vivent trois années côte à côte. Et non-seulement les soldats de l’armée active, mais les réserves devraient se grouper d’après le même principe. En cas de mobilisation, on verrait des Siciliens obligés de rejoindre leur drapeau en Lombardie et des Piémontais se rendre en Calabre. La raison d’un système aussi gros d’inconvéniens apparaît évidente : le recrutement a été organisé pour fondre ces élémens si divers, et toutes les objections n’ont pu prévaloir contre la volonté d’achever, par l’armée, l’unité italienne. A-t-on réussi ?