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aujourd’hui dans certains arrondissemens de la Corse. On n’est nullement surpris de trouver des hectares de bois au XIIIe siècle à 200 francs aux environs de Paris, à 50 francs en Normandie et à 12 fr. 50 aux environs de Cambrai. Sans doute, parmi ces surfaces, qualifiées de bois, il y a bien des vides, une bonne part de landes stériles. Au XVe siècle, lorsque la charrue, loin d’empiéter sur les arbres, fuyait devant eux et leur rendait ses conquêtes antérieures, lorsque la forêt s’élargissait sans obstacle, s’étendait en tache d’huile, sur les emplacemens embroussaillés par l’abandon, désertés par le labour, les prix de 10 et 12 francs l’hectare se rencontrent sans cesse dans la forêt d’Orléans, dans l’Aisne, aux environs de Soissons.

Aux XVIe et XVIe siècles, le mouvement s’opéra en sens inverse : la moyenne de l’hectare de superficie boisée s’éleva à 175 francs à l’avènement d’Henri IV, à 275 francs à la mort de Colbert ; elle était de 400 francs à la veille de la révolution.


VI.

Ce qui vient d’être dit sur la valeur des propriétés rurales me dispenserait de parler de leur revenu, si ce revenu avait toujours été avec le capital dans un rapport immuable, depuis le moyen âge jusqu’à nos jours. On sait qu’au contraire ce rapport, qui était jusque vers la fin du XVIe siècle de 10 pour 100, n’était évalué au milieu du XVIe siècle qu’à 7 pour 100, et qu’on ne l’estimait plus, il y a dix ans, qu’à 3 ou 3,33 pour 100. Il suit de là qu’un capital foncier de 1,000 francs, qui rapportait 100 francs au XIIIe siècle, n’en rapporte plus aujourd’hui que 30, et que, si ce capital a décuplé depuis saint Louis jusqu’à notre république de 1893, s’il s’élève aujourd’hui à 10,000 francs au lieu de 1,000, son revenu n’aura pourtant que triplé et sera de 300 francs au lieu de 100. On est amené à se demander, en présence de ce changement de rapport, si c’est le capital qui a augmenté plus que le revenu, ou le revenu qui a augmenté moins que le capital, quel est celui dont la hausse est normale, du capital ou du revenu.

Recherche qui paraît, au premier aspect, aussi singulière que celle qui servit de base à la discussion, puis au duel, de deux gardes du corps, dont le premier prétendait, sous la restauration, que la duchesse de Berry avait un œil plus grand que l’autre, tandis que le second soutenait au contraire qu’elle avait un œil plus petit que l’autre. Seulement ici nous ne comparons pas l’augmentation des revenus à l’augmentation des capitaux, mais bien l’une et l’autre de ces plus-values à une commune mesure, qui est l’augmentation générale de toutes les marchandises, salaires, denrées,