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ce n’est qu’une ébauche. Il pense qu’elle sera reprise plus tard et améliorée. Il l’estime toutefois exacte dans ses lignes principales, et, telle qu’elle est, instructive. Le témoignage du passé éclairera quelque peu, je crois, le chaos d’idées contradictoires où se débattent les socialistes contemporains, — socialistes propriétaires, qui prétendent faire garantir par l’État la valeur de leurs biens fonciers, et que l’on nomme m protectionnistes, » ou socialistes-prolétaires, qui entendent se servir de la force publique pour maintenir ou augmenter le prix de leur travail. Les esprits impartiaux verront ce qu’il faut penser de la prétention des uns et des autres, et jusqu’à quel point leurs droits sont fondés.


I.

Des études précédentes, publiées l’année dernière[1], ont fait voir la dissolution progressive des anciennes propriétés mobilières par l’avilissement du pouvoir de l’argent, la dépréciation de la livre-monnaie, la baisse du taux de l’intérêt ; le présent travail montrera la propriété immobilière soumise, depuis sept siècles, à d’innombrables vicissitudes, mais s’en tirant toujours en fin de compte à son avantage, déjouant, par la hausse proportionnelle de son capital, la baisse du taux de l’intérêt depuis le moyen âge, et, par la hausse simultanée de son revenu et de sa valeur, bravant les atteintes que portent à la fortune métallique le changement de la puissance d’achat des métaux précieux et la réduction de la monnaie au 25e de son poids primitif. Et la hausse de la propriété rurale, dont il est ici question, n’est rien auprès de celle de la propriété urbaine, — du sol de nos villes actuelles, — qui a augmenté, dans les temps modernes, d’une façon purement fantastique.

Un mot d’explication est nécessaire, sur le procédé que j’ai suivi dans ces recherches : il était indispensable, pour comparer entre eux les prix anciens, recueillis, classés, réduits en francs et ramenés à l’hectare, d’en dresser des moyennes générales et provinciales. Chacune de ces moyennes s’applique à une période de vingt-cinq ans ; et afin de corriger, autant qu’il était possible, les écarts que pouvaient offrir des chiffres récoltés au hasard, dans les régions de richesse si diverse qui composent la France d’aujourd’hui, afin d’obtenir des résultats qui se rapprochassent davantage de la vérité, j’ai combiné, pour chaque quart de siècle, les moyennes du

  1. Voyez, dans la Revue du 15 avril et du 1er août 1892, la Fortune mobilière dans l’histoire.