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c’est ce qui dépasse la réalité actuelle et qui y ajoute un élément de généralité et de durée.

Et, malgré tout, quand on sort de cette exposition, si incomplète soit-elle, — plus intéressante peut-être par ce qu’on y supplée que par ce qu’on y trouve, — l’impression qu’on emporte est salutaire. On se sent pénétré d’admiration et de respect pour ces maîtres qui ont fait si vaillamment une si noble tâche. Ce siècle aura été digne de ses aînés ; nous n’en doutons pas et nous en pouvons juger, nous autres venus sur son déclin et quand son œuvre était déjà presque achevée. Et puisque nous sommes si volontiers détracteurs de nous-mêmes, dans quel pays étranger et dans quel autre temps a-t-on vu plus beau mouvement des esprits ? Que de passion, mais que de bon sens ! Que d’erreurs, mais que de nouveautés ! Que de questions soulevées et d’idées remuées ! Que de tristesse, mais que d’ardeur et de confiance généreuse ! Ces écrivains, pendant qu’ils travaillaient à leur œuvre, savaient bien qu’ils ne faisaient pas une œuvre inutile. Le siècle qui a commencé avec Chateaubriand et Mme de Staël, et qui a vu, avant de se fermer, l’œuvre accomplie de Taine et de Renan, pourra sans crainte se présenter devant la postérité, et quel que doive être le départ que fera le temps entre le durable et le caduc, il aura apporté sa riche contribution à ce trésor de pensées et d’images qui est le patrimoine lui-même de l’humanité.


RENE DOUMIC.