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gnard, lui envoie d’énormes masses d’eau, met elle-même ses terres en prés ; en revanche, ses cultures de céréales, envahies par l’herbe, donnent un rendement médiocre, malgré les quantités de fumier qu’il leur prodigue.

Le Doubs figure au premier rang parmi les départemens les plus riches en fourrages : 192,765 hectares valant 31,460,494 francs, tandis que les autres récoltes se répartissent sur 115,717 hectares, d’une valeur approximative de 29,441,990 francs ; la terre reçoit toujours du fumier pour les plantes sarclées, 15,000 à 20,000 kilos par hectare ; on ajoute environ 10,000 kilos pour le blé ; total, 25,000 kilos pour les trois récoltes, ce qui est tout à fait insuffisant. Malgré la crise agricole, la production du bétail ne diminue pas depuis 1882, ceux qui restent attachés à la terre agrandissent leurs écuries, font plus d’élèves ; la ferme-école de la Roche donne l’exemple, la société d’agriculture du Doubs, les comices centralisent l’effort, le dirigent, et, 20,000 chevaux et mulets, 138,000 animaux de la race bovine, 49,000 moutons, 48,500 porcs, 2,900 houes à cheval, plus de 7,000 machines à battre, plusieurs centaines de faucheuses, moissonneuses, faneuses et râteaux à cheval, les irrigations, les drainages mieux entendus, attestent les élémens de vie, font obstacle aux fléaux qui accablent la terre. Les anciennes races indigènes, Tourache et Fémeline, disparaissent chaque jour devant les races de Berne, de Schwitz, et la race de Montbéliard, née du croisement de la Fribourgeoise avec la Fémeline, race volontueuse, très recommandable pour la lactation, l’engraissement et le travail. Plus fine de tissus et d’ossature, donnant une qualité de viande supérieure, la race fémeline a deux défauts capitaux que le cultivateur de la Haute Saône ne remarque pas assez, elle est tardive, puisqu’elle croît jusqu’à six ans, elle fournit un lait délicieux, mais peu abondant, dix à douze litres environ, tandis que les races de Montbéliard et de Suisse donnent l5, 18, 20 et même 25 litres.

Déjà très éprouvés par le mildew, l’anthracnose, le pourridié, par une série d’années froides et pluvieuses, les 7,000 hectares de vignes du Doubs ont rencontré dans le phylloxera un ennemi plus terrible encore. La vigne, qui jadis produisait 40 à 50 hectolitres à l’hectare, ne paie plus les frais qu’elle occasionne. Faudra-t-il donc dire adieu à nos excellens crus d’Arbois, Miserey, Mouthier, Ornans, Rougemont, Jallerange ? Faudra-t-il s’adresser aux marchands, continuer à acheter des raisins frais du Midi ? Il y a eu un moment de désespoir : de toutes parts on arrachait, on abandonnait ces vignes stériles ; et puis les sociétés d’agriculture, les grands propriétaires ont tenté d’arrêter la déroute, ils ont montré les vignerons du