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en diamans et agrandit à l’infini le champ de la pensée, les légendes s’enroulent gracieusement, comme un lierre mystique, autour des âmes primitives, à l’aurore des civilisations qu’elles accompagnent jusqu’à leur apogée. Longtemps dédaignées par nos écrivains, elles ont, en ce siècle, trouvé des annalistes qui les recueillent avec un soin pieux, des poètes qui les parent de costumes éclatans au point de les rendre presque méconnaissables ; et ces modestes fleurettes de l’idéal ont leur petite place à côté des superbes parterres de la littérature classique[1]. Elles se perdent dans la nuit des temps, prennent racine dans l’instinct religieux de l’humanité ; beaucoup des nôtres ont une origine druidique. Regardez : vous les verrez s’épanouir en tous sens, sortir de chaque contrée, tantôt avec un air de famille, tantôt avec une physionomie particulière, un goût de terroir qui leur communique une piquante saveur. Celles-ci présentent la grande attirance du miracle, celles-là se rapprochent davantage de l’histoire avec leurs allures d’épopée chevaleresque, d’aucunes sombres et terribles, d’autres gaies, ironiques, toutes aboutissant à la confusion du pécheur et de l’incrédule, à un véritable cours de morale. Comme ces libellules qui, dans leur vol rapide et capricieux, frôlent une seconde la fleur des étangs, elles se posent un peu partout : villes et châteaux, cavernes profondes, lieux déserts, montagnes et rivières, tout leur est nid et abri. Pour qu’elles naissent et grandissent, nature et imagination ont en quelque sorte conspiré : une molécule de vérité, une large part de fantaisie, la rêverie intime des humbles brodant ses arabesques sur un canevas solide, leurs aspirations poétiques se condensant en mythes singuliers, pour satisfaire ce goût du merveilleux qui est en nous et entr’ouvrir la porte du monde divin. Hélas ! légendes

  1. Tuefferd, Curiosités historiques du pays de Montbéliard. — Eugène Bonnemère, Histoire des paysans. — Aristide Dey, Histoire de la sorcellerie au comté de Bourgogne. — Charles Duvernoy, Villages ruinés du pays de Montbéliard. — Ch. Roy, Us et coutumes de l’ancien pays de Montbéliard. — Contejean, Glossaire patois du pays de Montbéliard. — Charles Thuriet, Traditions populaires du Doubs, de la Haute-Saône et du Jura, 2 vol. ; Lechevallier. — Charles Nodier, Contes de la veillée, Nouvelles.— Ch. Duvernoy, Montbéliard au XVIIIe siècle. — Docteur Muston, 'Histoire d’un village. — Docteur Perron, Superstitions médicales de la Franche-Comté. — Charles Grandmougin, la Vouivre, Pleines voiles, Chansons du village, Nouvelles poésies. — Gindre de Mancy, Échos du Jura. — Mme Tercy, Chroniques franc-comtoises. — Belamy, Recueils de noëls anciens au patois de Besançon. — Duvernoy, Esquisses des relations entre le comté de Bourgogne et la Suisse. — De Troyes, Légendes des Vosges franc-comtoises. — G. Colin, Chroniques de la Haute-Montagne. — Demesmay, Traditions et poésies de Franche-Comté. — Max. Buchon, Noëls et chants populaires de la Franche-Comté.— Henri Bouchot, la Franche-Comté, 1 vol. in-4o.