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était au 15 juin et les commentaires allaient leur train sur la récente déclaration du premier lord de la trésorerie. Le 13, M. Balfour avait fait savoir à la chambre que, selon toutes probabilités, la dissolution serait prononcée dans les quatre derniers jours du mois. De date définitive, il ne pouvait pas en fixer, deux conseils devant être tenus à des époques différentes, l’un pour y traiter de la prorogation du parlement, l’autre de la dissolution. Sur ces paroles, quelque peu vagues, les interprétations se donnaient libre cours. Ici, on affirmait que le parlement serait prorogé le vendredi 24 juin et que la reine, ce jour-là, autoriserait la proclamation d’usage concernant les communes. Dans ce cas, le royal warrant transmis au lord high chancellor, investirait ce personnage du soin de lancer, le samedi 25, les writs de convocation du corps électoral. Confiés à la poste, ces documens ne parviendraient guère que le lendemain aux returning officers ; mais, le dimanche étant un dies non en Angleterre, la période des neuf jours, au cours desquels les élections dans les boroughs doivent s’accomplir, ne commencerait qu’à partir du lundi 27. Pareillement, il y aurait lieu de tenir compte du temps nécessairement consacré aux formalités de la nomination (désignation) des candidats ; et il s’ensuivait que le scrutin dans les boroughs ne pourrait, en aucun cas, s’ouvrir avant le 1er juillet. Calculs hâtifs que ceux-là et significatifs de l’impatience fiévreuse qu’avait le parti libéral d’en venir aux mains avec ses impassibles adversaires. D’autres, les gladstoniens d’importance, ceux qui siégeaient au front opposition bench, hochaient la tête, paraissaient croire que l’apparente irrésolution du gouvernement cachait un secret dessein, celui d’empêcher que les élections dans les bourgs n’eussent lieu un samedi. Trop d’électeurs du chantier, de l’atelier ou de l’usine auraient, en ce jour demi-férié, profité de leur liberté pour courir aux urnes. Masses profondes, dévouées au libéralisme, qu’on pouvait, jusqu’à un certain point, tenir à l’écart en ajournant la dissolution au 27 ou au 28.

Les suppositions ne tardèrent pas à tomber devant les explications décisives de M. Balfour. Dans la séance du 17 juin, le vieux Gladstone, le sourire aux lèvres et la fleur à la boutonnière, se leva et, avec la plus parfaite courtoisie, demanda au jeune leader de la chambre des communes s’il était en mesure de fournir au parlement des informations précises quant à la date de la dissolution. La réponse, l’opposition ne la jugea pas satisfaisante et l’accueillit par des murmures. Ce n’était guère que le 29 ou le 30 que la chambre cesserait d’exister ; la bataille électorale, — cette bataille qui ne se livre pas le même jour sur le territoire de la Grande-Bretagne, mais dure, au contraire, tout près d’un mois, — s’engagerait donc plus tard encore qu’on ne l’avait supposé. Sans doute,