Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/775

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’élu du suffrage populaire dont l’election agent a contrevenu, sans le vouloir ou sans le savoir, aux multiples prescriptions de la loi.

Pour tenir le rôle, Winterbottom pensa tout de suite à l’homme de confiance qui dirigeait depuis si longtemps le Pantheon. C’était un personnage rusé, alerte, toujours sur le qui-vive, pratique comme pas un. Oui, little Mr Cook ferait bien l’affaire. On pouvait s’en rapporter à lui pour côtoyer la légalité et n’enfreindre aucune des dispositions compliquées de la législation électorale. Décidément, il fallait le mander et lui expliquer ce qu’on attendait de son dévoûment. Quand les trois amis se séparèrent, les points principaux étaient arrêtés. Dès le lendemain la candidature du commerçant serait partout annoncée. Au surplus, la période préparatoire était virtuellement commencée. On s’agitait en Angleterre, on entendait gronder l’orage des réunions publiques. C’était à qui prendrait les devans, à qui ne se laisserait pas surprendre par une dissolution jugée imminente. Il n’y avait aucune raison de tarder à faire connaître aux électeurs de Barton que Richard Winterbottom sollicitait leurs suffrages. D’ailleurs, Cook n’avait pas paru surpris des velléités ambitieuses de son patron. Peut-être les avait-il pressenties, car il déclara d’un ton grave que personne n’était plus qualifié que son chef pour représenter au parlement les intérêts politiques des citoyens de la ville. Il eut quelques phrases très nobles et très flatteuses sur le rôle qu’un fidèle sujet de sa majesté pouvait jouer dans les conseils du pays ; il insista sur l’intelligence et le loyalisme impeccable de l’homme qui lui avait confié, à lui Charles Cook, une part prépondérante dans la direction de ses affaires. Et on parlait déjà d’affiches à apposer, de circulaires à lancer, quand M. Cook, de la voix et du geste, calma l’impatience des trois amis. On ne pouvait rien faire sans s’être mis en rapport avec l’agent conservateur de Barton, le délégué des comités centraux d’élection qui se rattachent eux-mêmes aux cercles politiques de la capitale. Pure formalité après tout, car la candidature Winterbottom devait être accueillie avec joie et marquer le réveil du parti dans une ville où depuis douze ans le libéralisme régnait en maître. Mais M. Cook était précisément un formaliste, il ne voulait s’engager qu’à bon escient, il entendait ne rien négliger de ce qui pouvait contribuer au succès de la campagne. Maintenant on se réunissait tous les jours, et c’était curieux de voir le petit homme enfoui dans un large fauteuil du cabinet de son maître procéder à une sorte d’enquête préliminaire et interroger longuement le solennel Winterbottom. « Il y a, disait-il, certaines situations ou certaines affections cérébrales qui entraînent pour ceux qui les occupent, ou qui en souffrent, l’incapacité électorale.