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pouvait lire cette mention : « Nous soussignés, électeurs inscrits de la ville de Barton, donnons notre assentiment à la désignation de sir Francis Careford, Bar’, comme propre à exercer, pour ladite ville, la charge de membre du parlement. » Puis, les signatures de huit autres électeurs nommés ceux-ci, assenters, et dont l’intervention avait été nécessaire pour assurer la légalité de la procédure. Les choses suivaient alors leur cours régulier ; le précieux papier était déposé entre les mains de l’officier électoral et, si une heure après cette remise, aucune opposition n’avait été signifiée, le candidat était proclamé élu. Ainsi, depuis fort longtemps, sir Francis passait sans difficulté et c’était là ce qu’il s’agissait d’empêcher. Le returning officer serait, en temps utile et dans les mêmes formes, saisi d’une proposition analogue en faveur de Winterbottom. Il proclamerait l’élection ajournée et fixerait immédiatement le jour du scrutin.

Aussi bien n’était-ce point de ces préliminaires obligés de toute élection disputée que les trois amis s’entretinrent jusqu’à une heure avancée. Non, ils examinèrent d’abord par quel côté on entrerait en campagne. La dissolution étant proche, on pouvait déjà commencer une propagande par la presse, par les affiches et les réunions, et il était loisible tout au moins de s’assurer des services d’un election agent, ce factotum indispensable des aspirans à un siège législatif en Angleterre. Personnalité importante ! À vrai dire, du choix de cette sorte d’homme d’affaires chargé de toute la partie matérielle d’une élection, dépend souvent l’échec ou le succès de l’entreprise. Les relations du candidat et de son agent sont de nature étroite et particulière. On les a parfois assimilées à celles qui existent entre un shérif et son sous-shérif, le premier restant responsable non-seulement des actes du second, mais même des faits et gestes des intermédiaires dont s’est servi ce dernier. Quelques-uns les ont comparées à la position respective qu’occupent vis-à-vis l’un de l’autre le maître et le domestique, le premier répondant nécessairement des négligences de son inférieur, quelles qu’aient été la précision et la rectitude des ordres donnés. Mais le rapprochement le plus ingénieux, à coup sûr le plus anglais, est bien celui qui consiste à mettre en scène, à ce propos, le propriétaire et le capitaine d’un yacht de course. Une erreur de ce dernier vient-elle à léser, pendant l’épreuve, les intérêts d’un rival ? Le possesseur du bateau où la faute a été commise ne peut prétendre au prix de la lutte. Le préjudice causé n’est pas de son fait, soit, il le peut prouver jusqu’à l’évidence ; le concurrent n’aurait pas gagné, c’est encore vrai, alors même que le dommage en question ne l’eût pas atteint. Il n’en est pas moins écarté avec autant de rigueur que