Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/700

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SIR FREDERICK POLLOCK
ET
SA THEORIE DE LA PERSÉCUTION

Sir Fr. Pollock, professeur à l’université d’Oxford, est un jurisconsulte de grand mérite, lettré et philosophe, et il a publié sur Spinoza une étude fort estimée. En matière de politique, il appartient à cette école anglaise qui est plus disposée à étendre les fonctions de l’État qu’à les réduire au minimum, comme le voulait Bentham. M. Spencer désire que les gouvernemens se bornent à protéger les contrats et la propriété, et tel de ses disciples déclare qu’il doit leur suffire de protéger la propriété, « en laissant les contrats se tirer eux-mêmes d’affaire. » Sir Fr. Pollock a de tout autres principes ; il se défie de ce qu’il appelle « l’affolement de l’individualisme. » Il nous demande d’en revenir à Aristote, et comme Aristote, il croit que si la destination première de l’État fut d’assurer la vie, sa mission véritable et permanente est de l’améliorer par de bonnes lois.

Mais, quoiqu’il condamne les conclusions de M. Spencer, sir Fr. Pollock est comme lui un évolutionniste. Il ne se fie, en fait de politique et de droit, qu’à la méthode historique, appliquée par Darwin à l’étude de la nature. Les institutions sont pour lui autant que les langues et les mœurs, l’expression fidèle du génie d’un peuple, de sa destinée et de son histoire. Toutefois, il estime que cette méthode a son danger, qu’elle nous porte à l’optimisme. Ceux qui la pratiquent ont trop de penchant à s’imaginer que les faits ont toujours raison, que les événemens de ce monde, étant tous nécessaires, sont tous heureux. Pour sa part, il n’est pas optimiste, et il blâme les spéculatifs