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« foxée. » Par l’addition d’une bonne levure de Sauterne, on a transformé le vin de noah en un vin sec, limpide et fort agréable.

À défaut de changemens sensibles dans le goût, on a obtenu, d’autres fois, ce qui n’est pas moins important pour le commerce, une élévation sensible du titre alcoolique (jusqu’à un degré et demi dans certains cas, d’après M. Kayser). Or cet avantage persiste, tandis qu’il paraît bien prouvé, dans certains cas, que le bouquet artificiellement obtenu s’évanouit avec le temps, et il serait téméraire d’affirmer qu’il puisse reparaître.

À ces théories si séduisantes, à ces tentatives presque toujours heureuses, des agronomes du Bordelais sont venus opposer des résultats nuls, voire même négatifs, obtenus cependant dans des conditions théoriques irréprochables. Il est évident que, de l’aveu de ses partisans les plus chauds, la question n’est pas encore mûre.

Néanmoins la majorité des congressistes n’a pas méconnu son importance, tous argumens pesés. En somme, il paraît que des essais ultérieurs, non pas en petit dans les laboratoires, — on en a suffisamment fait, — mais en grand dans les celliers, doivent être poursuivis et encouragés. Il est impossible de voir l’ombre d’une fraude quelconque dans une pratique consistant à mélanger dans des centaines de muids quelques litres d’un jus sucré de même composition provenant d’un moût naturel. Consommateurs, négocians, producteurs, tout le monde s’en trouvera bien en cas de réussite, et en cas d’échec, aucun dommage n’est à craindre. Ce qui est à redouter, c’est que des industriels peu scrupuleux et mal initiés aux délicates opérations des laboratoires de microbiologie n’accaparent cette nouvelle branche d’industrie et ne débitent fort cher des liquides de fantaisie. Il faut que les moûts ensemencés, puis stérilisés, proviennent uniquement de laboratoires officiels établis à Paris et, en province, dans les principaux départemens viticoles, dirigés ou au moins surveillés par des savans de profession, habiles et désintéressés.

En attendant, ne peut-on s’approcher du même but par des moyens plus simples et à la portée de chacun ? Sans doute et peut-être que certains tours de main assez anciens dérivent d’observations empiriques justifiées par les théories modernes. Tantôt on se sert des lies sèches d’un cru renommé pour ensemencer les moûts d’un cru médiocre. Ou bien le propriétaire ramasse soigneusement un petit nombre de ses meilleurs raisins, mûrs à point et les écrase ; il laisse la fermentation commencer et, une fois qu’elle est en train, il arrose sa vendange avec le moût sélectionné, en procédant graduellement. Dans ce cas, il est bon de cueillir des fruits très sains abrités contre la poussière des routes, et de