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Tel est le résumé de la question théorique, bien simple comme on voit. Ajoutons seulement que les fermentations, ainsi réalisées, gagnent encore sensiblement en promptitude et netteté, ce qui a bien son avantage.

Il est clair d’abord, et c’est un principe qu’on ne saurait trop répéter, qu’une certaine affinité entre le moût à traiter et la levure ajoutée est indispensable. On aura beau, avec toutes les précautions voulues, additionner du jus d’aramon de la plaine de Lunel de levure de Chambertin ou de Château-Margaux, on ne transformera point ces vins assez plats en grands crus. On n’obtiendra de résultats qu’en opérant avec des levures sélectionnées dans des vins analogues, de bonne tenue, originaires de la région. Par exemple, peut-être pourra-t-on perfectionner par cette voie les vins blancs des Charentes, grâce à de la levure recueillie à Cognac, de façon à extraire de ces vins une eau-de-vie se rapprochant de la « fine Champagne. »

À Montpellier, M. Bouffard, le professeur d’œnologie de l’école d’agriculture, n’a obtenu aucune amélioration sensible avec des semences venues du Bordelais. La différence, quoique peu sensible, s’est manifestée à la longue lorsqu’il a opéré avec des levures de Beaujolais et de Bourgogne. Or, les vins de Montpellier ne sont assimilables ni à ceux de Bordeaux, ni à ceux de Bourgogne ou de Beaujolais ; mais, par leur nature, ils s’éloigneraient moins des deux derniers crus que du premier, et partant, la faible divergence observée s’expliquerait très bien. Souvent, du reste, l’amélioration ne se manifeste qu’au bout de plusieurs mois.

D’autres propriétaires du Midi ont obtenu de très bons résultats, sur plusieurs milliers d’hectolitres, avec de la levure elliptique de Bourgogne. Le saccharomyces ellipsoïdeus, bien sélectionné, s’est comporté dans les caves comme dans les laboratoires de MM. Martinand et Rietsch à Marseille ; il s’est montré un agent de fermentation extrêmement actif, amenant une prompte clarification et engendrant un produit franc et net. Ce n’est pas tout : comme, depuis peu d’années, dans beaucoup de celliers, les viticulteurs traitent leurs raisins d’aramon en vue d’obtenir des vins blancs ou rosés qui sont très demandés, on a voulu tenter l’expérience de l’amélioration par les levures de Chablis, et l’on a réussi, tout en échouant avec les levures de Champagne. Citons encore une expérience très curieuse qu’un témoin digne de foi a exposée au congrès. Il s’agit d’un cépage américain producteur direct qui, malgré sa résistance suffisante au phylloxéra, sa bonne tenue contre le mildew et sa production passable, est aujourd’hui presque abandonné. Nous voulons parler du noah, qui porte des raisins blancs bons à faire une boisson alcoolique, mais trouble et