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frais[1] et l’on n’est pas revenu au taux de production atteint en 1874. On peut estimer à 2,200 francs, valeur minima, le taux de reconstitution d’un hectare de vignes américaines greffées. Chaque année les seuls frais de labour s’élèvent à 240 francs et il faut tenir compte des maladies nouvelles qui assaillent sans cesse le malheureux arbuste et imposent au vigneron des dépenses obligatoires, inconnues de ses devanciers, et cela sans préjudice des anciens soins qu’on ne peut pas négliger.

Les antiques fléaux sont bien connus. D’abord l’oïdium, dont l’origine américaine, grâce aux études de M. Gouderc, d’Aubenas, est parfaitement démontrée, l’oïdium nous guette toujours, et s’il est aisé de le combattre, il serait plus qu’imprudent de le croire disparu à tout jamais et de négliger les soufrages dont l’effet sur la végétation est des plus salutaires. Puis le mildew, encore un cadeau dont l’Amérique nous a gratifiés avec d’autres plaies, parmi lesquelles le black-rot, dangereux dans la Haute-Garonne et qui heureusement semble se guérir par les mêmes remèdes que le mildew. L’anthracnose, connue de toute antiquité, peut fort bien être traitée préventivement en hiver et paraît même pouvoir se maîtriser lorsqu’elle se déclare en été ; on a observé que ses ravages s’attaquent principalement à certaines espèces et en épargnent d’autres. Le sulfate de cuivre, qui joue un si grand rôle dans la lutte contre le mildew comme anticryptogamique, sert actuellement,

  1. Suivant M. Henri Marès, la différence porte principalement sur les remplacemens des ceps morts et rabougris (100 francs par hectare), — sur la fumure plus fréquente qui doit se renouveler non plus tous les quatre ans, mais tous les deux ans (75 francs par hectare), — sur le traitement contre le mildew et les rots par le cuivrage (50 francs par hectare), — sur les ravages de la chlorose, des insectes, du froid, auxquels les vignes greffées résistent moins que les vignes « de fond. » Les frais de culture se montent donc à 700 francs par hectare et par an. En tenant compte des frais de vendange et de vinification pour 50 hectolitres (125 francs), des impositions, de l’intérêt du capital engagé et de l’amortissement de ce capital, on arrive à 1,105 fr. ! Quant aux frais de reconstitution, en voici le détail : Première année : défoncement à 0m,40 de profondeur, 500 francs ; plantation de 4,000 ceps à l’hectare, 250 francs ; labours, quatre façons, 242 francs ; frais divers, 50 francs. Total : 1,042 francs. — Seconde année : greffage, nettoyage des rejetons, buttage, labours, visite des racines, sulfatages, soufrages, triage du chiendent, etc., 600 francs. — Troisième année : montant des dépenses, 568 francs. À ces frais, qui s’élèvent à 2,200 francs environ, il faut ajouter l’intérêt du capital représenté par la terre et les dépenses de chaque année. La reconstitution devient plus onéreuse encore lorsque l’on plante sur des sols pierreux ou rocheux. Nous ne parlons pas même des frais de reconstitution des celliers : bâtisses, futailles, pressoirs, pompes, dont l’ensemble, calculé sur une récolte de 50 hectolitres, se monte à 1,000 ou 1,200 francs par hectare. L’éminent agronome conclut ainsi : « Ce sont des frais à n’en plus finir ; il ne faut pas se bercer d’illusions à cet égard. Des prix de 20 à 25 francs par hectolitre à la propriété peuvent seuls lui permettre de couvrir ses frais. C’est pour cette raison que nous devons nous défendre, à l’extérieur, contre les importations étrangères ; à l’intérieur, contre les fraudes. »