Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/689

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de bonnes fumures azotées, d’azote organique surtout, malgré la thèse séduisante qui consiste à montrer la vigne puisant dans l’atmosphère l’azote « à la régalade. » Cette pittoresque expression n’est point absolument inexacte, mais elle s’applique à des plantes de la famille des légumineuses. On peut, du reste, faire profiter la vigne de cet azote à bon compte et depuis longtemps les vignerons du Midi apprécient la vigueur des plantiers organisés sur défoncement de luzerne ou de sainfoin. Il est clair, au surplus, comme l’a fait très justement observer M. Paul Sabatier, professeur à la faculté des sciences de Toulouse, que les fumures azotées ne produisent souvent sur la vigne qu’un effet à peu près nul, et cela pour une raison bien simple, c’est que le sol en contient déjà une dose suffisante et peut-être que ce fait a induit en erreur plus d’un agronome praticien insuffisamment renseigné.

Il en est de même de l’acide phosphorique. Lorsque cet élément fait défaut, des applications d’engrais phosphores peuvent produire des améliorations des plus utiles ; ainsi, dans les vignobles submergés de l’Aude, on est parvenu à relever sensiblement le titre alcoolique des vins, et dans le Bordelais, à rendre les produits, non plus riches, mais plus stables.

En ce qui concerne la potasse, tout le monde est d’accord pour prôner l’utilité de cette base. Cependant la dose prescrite autrefois, 200 kilogrammes par hectare, est un peu forte et 150 kilogrammes annuels suffisent, de l’avis de tous.

Nos pères, on le sait, éprouvaient une forte répugnance à fumer les terres productrices de bons crus. Aujourd’hui, et avec raison, on a renoncé à une exclusion trop sévère et absolue ; et excepté un très petit nombre de vignobles hors ligne, chacun est d’avis qu’une fumure modérée ne saurait nuire à la qualité du vin. Quelques viticulteurs se demandent encore s’il est réellement avantageux de fumer les vignes plantées en terrain maigre. La question peut être résolue par l’affirmative, à la condition, bien entendu, de ne pas aller trop vite, et d’améliorer lentement le sol par des applications régulières et progressives d’engrais approprié.

De quelque temps encore nous ne saurons pas quelle peut être la situation générale économique des propriétaires de vignobles reconstitués, rapportée à leur ancienne condition, avant le phylloxéra. Presque partout, en France, les plantations sont trop récentes et trop éparpillées pour qu’on puisse formuler une opinion sérieuse. Mais dans l’Hérault où l’œuvre destructive n’a pas été moins brutale que la régénération n’a été prompte, les données du problème se simplifient, et il est permis d’arriver à des conclusions irréprochables.

Les chiffres de dépenses sont doublés par rapport aux anciens