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reconstitution, jusqu’à 10 pour 100 de calcaire, le Riparia s’étale luxuriant ; de 10 à 18 pour 100, il faut exciter la végétation par de fortes fumures et traiter au sulfate de fer. Au-delà de 18 pour 100, l’agriculteur est désarmé, et la mort survient toujours peu d’années après la greffe. Mais alors l’emploi judicieux du Rupestris permet de lutter dans de meilleures conditions, et, en ayant recours à des hybrides de Rupestris, on peut cultiver de la vigne jusqu’à 40 pour 100 de calcaire.

Dans le Maçonnais, dans la Côte-d’Or, la situation ne diffère pas beaucoup de celle que nous avons esquissée pour le sud-ouest. Il semble même que la question se soit simplifiée : sous le climat bourguignon, l’effet destructeur du phylloxéra se fait encore sentir, mais n’agit plus avec la foudroyante rapidité qui a tant éprouvé le Midi. En d’autres termes, l’adaptation au sol devient le facteur important. Les vignerons tout d’abord ont essayé du Riparia, du Rupestris et de l’York-Madeira, qui n’ont pas tardé à succomber dans le lias et l’oolithe. Mais, depuis quatre années, ils replantent avec des hybrides de MM. Couderc et Ganzin, et les résultats sont excellens tant sur la côte châlonnaise qu’à Pommard où le Gamay-Couderc sert de porte-greffe. Il paraît même que ces hybrides à demi sauvages croissent mieux et plus vite que les anciennes souches françaises[1].

Nos viticulteurs ont même d’autres cordes à leur arc qui peut-être, dans quelques années, leur assureront, — Toujours en dehors des craies charentaises, — des vignobles strictement indemnes de phylloxéra dans des terres très calcaires. Parfois les variations individuelles ménagent d’étranges surprises. Ainsi, depuis peu d’années, on a observé que certains pieds de Rupestris vivaient et prospéraient non loin de Montpellier, sans jaunir, avec 60 centièmes de carbonate de chaux au contact de leurs racines. On a baptisé cette nouvelle variété d’une foule de noms dont le plus scientifique est Rupestris Monticola et on commence déjà à l’utiliser, notamment dans la région du Lot, où la reconstitution en Riparia ou en une autre variété de Rupestris semblait d’abord presque impossible. D’autre part, MM. Millardet et de Grasset, et M. Couderc, en fécondant le Riparia par le Rupestris ont obtenu de nouvelles

  1. En ce qui concerne la vigne américaine de race pure, on peut se demander si notre ciel n’est pas trop froid pour des végétaux natifs de territoires plus voisins de l’équateur que notre patrie. D’abord, il s’agit, non de vignes à fruit, mais de simples porte-greffes que des précautions sommaires peuvent garantir des froids de l’hiver. Et puis n’oublions pas qu’en France, et surtout dans l’Ouest, le climat est de nature tempérée, sans les violentes chaleurs ni les froids cuisans qui tour à tour éprouvent l’intérieur des États-Unis.