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c’est toujours ce qui arrivera si l’on suit nos conseils, la liberté, la prospérité, le progrès, la splendeur nationale. Mais que les méthodes sont différentes et les avis partagés sur la route à suivre ! Jusqu’à présent, un très petit nombre d’hommes politiques avaient osé recommander, en Italie, la réduction des dépenses militaires, conseiller le recueillement, et laissé entendre, sans le dire, qu’on devait relâcher, sinon rompre tout à fait, le lien pesant qui attache le pays aux deux empires du centre de l’Europe. Aux dernières élections, cette opinion, déjà plus répandue, a trouvé plusieurs interprètes, dont le plus éloquent et le plus autorisé me semble avoir été M. Giuseppe Colombo, député de Milan et ancien ministre du trésor dans le cabinet Rudini. M. Colombo appartient au groupe des conservateurs libéraux. J’ai eu l’honneur de le rencontrer. Cinquante ans environ, grand et mince, les traits réguliers, les yeux enfoncés sous des sourcils saillans, la barbe entière et grisonnante, taillée en pointe, la physionomie grave et énergique, la parole facile. En le voyant, en l’écoutant, je pensais que, chez nous, à la chambre, il fût devenu un chef de parti. En Italie, j’ignore ce qu’il en est, mais le discours qu’il a adressé aux électeurs de son collège, et qui a été un événement dans la péninsule, m’a paru d’un homme très informé, très courageux et très patriote. Je ne veux en citer que de courtes phrases, dont l’intérêt n’a pas diminué : « Je crois, a-t-il dit, que si nous ne résolvons pas absolument et immédiatement la question financière en Italie, nous courons au-devant d’un avenir peu réjouissant. » D’où vient le péril ? De deux grandes causes, les dépenses militaires excessives et les garanties onéreuses données aux chemins de fer italiens. Le déficit est aujourd’hui de 75 millions. Il sera, en 1900, de 190 millions, si l’on ne change pas de méthode. Or, il n’y a pas deux remèdes. « Le manque de capitaux laisse improductive une grande partie du sol national. L’Italie, alma parens frugum, n’arrive pas même à produire le blé dont elle a besoin, restant ainsi de plus d’un milliard en arrière de la France. » Est-ce dans de telles conditions qu’on peut augmenter les impôts ? Est-il possible de songer à grossir les charges des contribuables, « quand l’impôt foncier, avec ses surtaxes, absorbe un tiers du revenu, quand l’impôt sur les maisons monte, en certains cas, jusqu’à 80 pour 100, et que l’impôt sur les valeurs mobilières s’élève à 13, 20 pour 100 ? » Il faut donc économiser. Il le faut. « Deux, trois, quatre ministres tomberont, mais fatalement le jour viendra où le gouvernement, quel que soit l’homme qui le dirige, s’y trouvera contraint. » Il y a des économies à faire sur plusieurs chapitres, notamment sur les travaux publics et sur la dotation du personnel. Qu’on supprime certains « de ces contrôles trop nombreux dans l’administration