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C’est en s’inspirant de ces principes que les grands établissemens anglais sont arrivés à un degré de prospérité considérable. D’après une statistique récente, les quatorze principales banques de Londres avaient reçu des dépôts pour plus de 5 milliards de francs : 13 pour 100 de ces exigibilités, c’est-à-dire 650 millions, étaient en caisse dans ces banques ou disponibles à leur crédit à la Banque d’Angleterre. La moyenne des dividendes distribués aux actionnaires atteint jusqu’à 20 pour 100 pour certaines d’entre elles.

En France, nos principales sociétés de crédit semblent comprendre de plus en plus la nécessité de séparer nettement leur domaine de celui de la spéculation financière. Nous pourrions citer l’histoire de l’une des plus importantes, la première après la Banque de France, dont elle dépasse d’ailleurs et le capital et le chiffre de dépôts[1], comme la démonstration vivante du progrès qui s’est fait à cet égard dans les idées. Cette société, après avoir au début de son existence cherché sa voie, après s’être lancée, avec succès d’ailleurs, dans les opérations financières proprement dites, a dégagé peu à peu l’idée maîtresse qui doit la guider : elle a concentré tous ses efforts sur l’organisation de son outillage, d’après les principes immuables qui seuls assurent le succès d’une industrie : perfection du commandement et de l’état-major ; installation dans l’endroit le plus favorable ; trésorerie abondante, c’est-à-dire maintien constant de la somme de disponibilités nécessaire. Aujourd’hui cette société n’attend pour ainsi dire plus rien des chances variables des émissions, emprunts d’État ou souscriptions à des entreprises particulières, ni des spéculations qui peuvent en être l’accompagnement obligatoire : elle possède un réseau d’agences et de succursales en France et à l’étranger, grâce auquel elle se trouve, dans plus de cent vingt-cinq endroits, à la portée de sa clientèle, en mesure de lui rendre les services variés et multiples que cette dernière réclame.

Elle n’est pas seule d’ailleurs à s’être pénétrée de l’impérieuse nécessité qui s’impose aux banques de dépôts : c’est ainsi, en définitive, qu’il convient de désigner les établissemens dont la fonction primordiale est de recevoir et de gérer les capitaux du public. Ces banques doivent éliminer de leur programme les spéculations financières ; elles ne se désintéresseront certes pas du marché des valeurs mobilières ; elles prêteront, au contraire, leur concours aux émissions qui leur sembleront saines, mais en général elles se borneront à ouvrir leurs guichets, pour recueillir les souscriptions

  1. Il est vrai que la Banque de France ne bonifie aucun intérêt à ses déposans.