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ces circonstances exceptionnelles, que le capital propre, lui non plus, ne soit pas immobilisé dans des entreprises à longue échéance, et nous sommes ainsi amenés à poser pour son emploi des règles presque aussi sévères que pour celui des dépôts. Il ne pourra servir utilement en temps de crise que s’il est sous la main du banquier, à sa portée immédiate. À ce point de vue, l’idéal de l’organisation d’une banque est celle d’une société par actions nominatives, dont la fraction minima, c’est-à-dire le quart d’après la loi française, est versée. Comme les actionnaires sont responsables du versement des trois autres quarts et tenus de l’effectuer à première réquisition, la société a toujours de ce chef une ressource parfaitement liquide, qui constitue pour ses créanciers une garantie des plus précieuses. La garantie est meilleure que si l’argent était versé ; car il aurait pu être mal employé ou immobilisé dans des emplois difficilement réalisables, tandis que cette obligation des actionnaires, toujours exigible, constitue une réserve liquide dans la plus forte acception du mot.

Cette organisation a un avantage qui compense pour les actionnaires l’inconvénient d’être exposés à un appel de fonds : c’est que le crédit dont jouit la société se mesure alors non pas d’après le capital versé, mais d’après le capital nominal. Les dépôts affluent en proportion de ce dernier et permettent à la société de réaliser des bénéfices qui, répartis sur un quart du capital nominal, rémunèrent grassement les sommes versées. C’est ainsi que les actionnaires d’une des plus anciennes banques de dépôts de Paris reçoivent depuis de longues années un dividende de 10 à 20 pour 100 sur leurs actions de 500 francs dont un quart seulement est versé, soit de 12 à 24 francs pour 125. Dans cette industrie de la banque pure, telle que nous l’avons définie, les bénéfices sont, en effet, directement proportionnels à la quantité de capitaux mis en mouvement. Une différence d’intérêt de 2 pour 100 réalisée sur 100 millions donnera deux fois plus de bénéfices que sur 50, puisque les frais d’exploitation sont loin de varier en proportion des capitaux employés : le point essentiel est donc d’obtenir le plus de dépôts possible. D’autres facteurs entrent en ligne de compte ; la banque de dépôts ne s’interdit naturellement pas de cherchera rendre au public tous les autres services qu’il est en droit de réclamer, pourvu qu’ils soient exclusifs de toute idée de spéculation pour elle. La banque fera à commission pour ses cliens toutes les opérations dont ils la chargeront, gardera leurs titres, encaissera leurs coupons échus et les obligations amorties, leur fournira des lettres de crédit sur l’étranger, etc., mais ce sont là des opérations accessoires.