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aux avances, qui n’étaient pas non plus de celles dont la liquidation peut être en quelque sorte instantanée.

Non-seulement le banquier ne doit pas spéculer lui-même, mais il doit écarter le papier de ceux qui spéculent. Nous sommes loin de l’opinion commune qui ne sait trop quelle différence faire entre ce marchand de capitaux, dont nous venons d’essayer de définir la profession, et le joueur à la Bourse.

Le banquier, en arrivant chaque matin à son bureau, doit avoir pour tâche première d’additionner d’une part ses exigibilités, c’est-à-dire les sommes qui peuvent lui être réclamées, et, d’autre part, ses disponibilités, c’est-à-dire les ressources immédiatement réalisables au moyen desquelles il fera face aux remboursemens qui lui seront demandés. Le relevé du passif est aisé à faire et les seules divisions à y introduire résultent des différences d’époque auxquelles ce passif est exigible. Celui de l’actif est autrement délicat ; c’est dans la composition de cet actif que se révèle toute la science professionnelle. Il se compose d’espèces et de créances. La première question à résoudre est celle de savoir quelle doit être la proportion des espèces, en d’autres termes, de l’encaisse, billets de banque ou métal. Elle ne peut guère être fixée en théorie, mais dépend d’une série de faits particuliers à chaque pays, à chaque ville, à chaque établissement. L’effort du banquier doit tendre à restreindre le plus possible cet emploi de son actif, qui ne lui rapporte rien, les pièces d’or et d’argent, ni les billets n’étant productifs d’intérêt. Le reste de l’actif comprend le portefeuille commercial, les avances sur titres ou marchandises, les crédits en blanc, c’est-à-dire consentis sur la simple signature du correspondant.

Le portefeuille commercial ne constitue théoriquement de disponibilités qu’au jour de l’échéance des effets, puisque c’est ce jour-là seulement que le banquier porteur de la traite peut aller en réclamer le remboursement au tiré. En fait, il est permis chez nous de le considérer comme représentant une disponibilité immédiate, grâce à l’organisation de la Banque de France, toujours prête à réescompter le papier commercial sérieux, muni de trois signatures et à une échéance maxima de trois mois. Tout banquier peut chaque jour transformer en espèces, ou, ce qui revient au même, en billets de banque, le papier de son portefeuille qui remplit les conditions ci-dessus. C’est donc ajuste titre que ce portefeuille est assimilé à l’encaisse. Une prudence excessive rappellera toutefois au chef de maison que, si la Banque de France ne refuse pour ainsi dire jamais son concours dans les limites que nous avons indiquées, elle n’en est pas moins libre de le refuser. Il ne devra donc pas exclure entièrement de ses hypothèses celle du cas où il se trouverait