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le caractère, plus rare encore que la science, la prudence et la décision, si bien qu’on a pu justement comparer le financier occupé à diriger de grandes entreprises à un chef d’armée et trouver des analogies frappantes entre les mérites qui assurent le succès de l’un et conduisent l’autre à la victoire. Mais nous ne le suivrons pas dans les nombreuses entreprises auxquelles son activité peut successivement s’appliquer, et dans lesquelles la spéculation est appelée à jouer son rôle. La première partie de notre travail a montré l’étendue de l’horizon qui lui est ouvert. Analyser les variétés innombrables des affaires financières serait composer une encyclopédie. Celui qui aurait la curiosité de s’en faire une idée pourrait feuilleter l’annuaire de la chambre syndicale des agens de change de Paris : dans les centaines d’actions et d’obligations qui y sont inscrites et qui forment l’aliment quotidien des échanges à la Bourse, il trouverait une partie des créations dues à l’activité des banques et des banquiers. Mais lorsque ceux-ci fondent des sociétés, achètent et vendent des titres, souscrivent des emprunts d’État, ils font œuvre de finance et non point de banque pure. Nous voudrions réagir contre l’usage funeste qui a prévalu de confondre dans une même dénomination des occupations aussi différentes. Nous appellerons financiers et associations financières les individus et les collectivités qui n’imposent à l’emploi de leurs capitaux aucune règle spéciale, qui sont prêts à étudier et à exécuter toutes sortes d’entreprises, quelles que soient la nature et la durée du risque. Nous aimerions réserver le nom de banquiers et de banques aux individus et aux sociétés qui ont pour fonction essentielle ou principale de recevoir en dépôt l’argent du public, de lui bonifier un certain intérêt et de chercher, par voie de conséquence, à faire fructifier cet argent, sous certaines réserves et en observant certaines règles qui découlent de la nature même de leurs opérations.

Cette distinction essentielle d’attributions correspond tout d’abord à l’origine des capitaux avec lesquels travaillent les uns et les autres. En principe, le financier emploie ses capitaux ; et par là il convient d’entendre non pas seulement ceux qui sont sa propriété directe et personnelle, mais ceux des commanditaires dans une société en commandite, ceux des actionnaires dans une société anonyme. Ce sont des sommes d’argent qui restent engagées dans une maison aussi longtemps qu’elle existe, et qui lui permettent donc d’aborder les entreprises les plus diverses, sans avoir à se préoccuper d’aucun retrait de fonds : ni les commanditaires, ni les actionnaires ne peuvent reprendre leur mise avant l’expiration du terme assigné à la société. Une société qui ne doit d’argent qu’à