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L’opération à terme ne diffère pas de la précédente dans son essence. L’obligation du vendeur et celle de l’acheteur contractées au moment de la conclusion de l’échange sont tout aussi définitives, tout aussi irrévocables que dans l’affaire dite au comptant. La seule différence est que l’opération à terme, de par la volonté des parties, ne se réglera que postérieurement à la conclusion du contrat, à une date certaine, fixée à la minute même où les deux parties se sont mises d’accord sur le prix et les autres conditions. Acheter 3,000 francs de rente française au comptant à 96 pour 100, c’est apporter 96,000 francs contre lesquels on reçoit un titre donnant le droit de toucher tous les trois mois 750 francs aux guichets du trésor, soit 3,000 francs de rente annuelle ; acheter le 5 juin 3,000 francs de rente française à terme à 96 pour 100, c’est s’engager à verser le 30 juin 96,000 francs contre lesquels on recevra le même titre de 3,000 francs de rente. Les deux opérations sont identiques et ne diffèrent qu’au point de vue de l’époque de l’exécution.

Si nous voulons maintenant classer les spéculations non plus au point de vue de la forme, mais au point de vue du fond, nous les diviserons en spéculations à la hausse et en spéculations à la baisse. Nous avons expliqué la spéculation à la hausse : c’est le fait de celui qui promet de remettre une certaine somme d’argent en échange d’un titre ou d’une denrée qu’on s’engage à lui livrer. Si nous reportons pour un instant notre attention sur la situation de l’autre contractant, c’est-à-dire de celui qui promet de livrer, à une époque postérieure à la conclusion du contrat, un titre ou une denrée, nous comprendrons ce que c’est que la spéculation à la baisse. Elle n’est autre chose que le fait de s’engager à livrer ultérieurement le titre ou la denrée contre le prix stipulé.

Deux hypothèses peuvent se présenter dans l’opération à terme. L’acheteur qui s’est engagé à payer le 30 juin 96,000 francs les possède dès à présent : c’est pour un motif de convenance personnelle, parce qu’il préfère par exemple ne déplacer ses fonds qu’à cette date, qu’il a opéré à terme. De même le vendeur peut, dès le 5 juin, posséder les 3,000 francs de rente qu’il vend à terme, c’est-à-dire livrables fin juin, et n’avoir opéré à terme que parce qu’il n’avait besoin de fonds qu’à cette date plus éloignée, ou pour tout autre motif. Dans ce cas, ni l’acheteur ni le vendeur n’ont fait en réalité une opération différente de celle qu’ils eussent faite au comptant. Mais là où la situation devient autre, c’est lorsque nous envisageons les opérations à terme faites à découvert, c’est-à-dire le cas où l’acheteur de la rente qui s’engage le 5 juin à payer 96,000 francs le 30 juin n’a pas les 96,000 francs en caisse, et