la nôtre, moins portée à idéaliser l’image de ceux qui nous sont enlevés, et qui cherche la ressemblance absolue, la reconstitution d’une dernière scène de la vie, quand nous ne voulons plus voir qu’une figure immatérielle, embellie et transfigurée par la mort, et telle qu’un artiste de génie pourrait seul la deviner et la rendre ?
Quelques monumens, d’une richesse extrême, dans l’allée principale. L’un d’eux, surtout, un grand monument de bronze, provoque l’admiration des promeneurs. Il a été élevé à la mémoire d’une jeune femme de race noble, morte récemment. Elle est là, couchée sur un lit large et bas, nue jusqu’à la moitié du corps, et très belle de traits. La tête, un peu inclinée sur l’oreiller, porte l’empreinte d’une paix nouvelle, inconnue à la vie, et derrière, esquissée dans le panneau qui se redresse en forme de muraille, une procession d’anges, les ailes déployées, emporte l’âme dans la lumière. Cette œuvre, du sculpteur Enrico Butti, est une de celles, bien rares, qui sortent du pur métier. Autour d’elle, les groupes, incessamment renouvelés, ne se composent guère que de bourgeois et d’artisans. Ceux-ci ont l’air d’être en habits de travail. Les femmes, sans chapeau ni bonnet, pour la plupart, portent le châle long, qui ondule avec tant de grâce, sur toutes les rues et les routes d’Italie ; les hommes sont en veston ou en jaquette. Il est remarquable que l’ouvrier italien n’a pas son « vêtement du dimanche, » comme l’ouvrier français. Du moins, je n’ai jamais observé de différence appréciable, à ce point de vue, entre la foule du lundi et celle de la veille. Les paysannes, au contraire, ne s’arrêtent point, ou s’arrêtent peu, à regarder la statue de bronze. Elles continuent et s’éloignent, graves, par petites bandes du même village, récitant tout haut le rosaire, qui pend sur leur tablier aux couleurs vives. Elles n’ont plus entièrement le costume d’autrefois, celui qu’on voit dans les livres et aux étalages des marchands de photographies. Hélas ! il faut aller plus loin, pour rencontrer ces merveilles de goût populaire, ces ensembles d’une harmonie puissante, que la peinture a fixés dans nos yeux et qu’on s’attend à voir surgir, au détour du premier chemin, dès qu’on descend les Alpes. Cherchez le gilet à triple étage, les brayes blanches et le chapeau galonné du paludier du bourg de Batz ; cherchez les bergères de la Suisse ; cherchez les coiffes carrées, la guimpe échancrée, le tablier à rayures des Napolitaines ! Graziella n’a plus guère de sœurs. Je n’ai vu qu’une fois plusieurs milliers d’Italiens habillés comme dans les estampes : au fond des Calabres, un jour de fête de la Madone.
Mais ni les vieux monumens, ni les vieux costumes ne tombent d’un seul coup. Il reste partout en Italie, avec une préférence