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moins de 10 fois, et jamais plus de 13 fois le kilo d’argent. Au moyen âge et jusqu’à l’an 1600, 12 kilos d’argent représentent en moyenne un kilo d’or. Un phénomène analogue à celui auquel nous assistons se produisit sous les règnes d’Henri IV et Louis XIII (1602-1640) où la proportion des deux métaux passa de 11,75 à 14,75. Elle s’était élevée de 1 à 15,50 sous Louis XVI, pour se fixer à peu près à ce taux jusqu’à nos jours. Depuis vingt ans, l’or vaut 18, 20, 22, et, il y a deux semaines, il valut, sur le marché de Londres, jusqu’à trente fois l’argent. C’est dire que notre pièce de 5 francs ne représenterait plus, en or, que 2 fr. 50.

Cette situation préoccupait de longue date le gouvernement anglais, pour les Indes : à tort, selon nous, puisque le régime de la roupie argent, dépréciée en or, offrait moins d’inconvéniens que celui de l’attribution à cette pièce de monnaie d’une valeur légale nouvelle, valeur arbitraire, qui n’était même plus exacte le lendemain du jour où elle était promulguée. Il résulte de cette mesure que la roupie devient comme la pièce de 5 francs de l’union latine ou comme le dollar argent américain, une monnaie partiellement réelle et partiellement fiduciaire, et que l’administration des Indes se trouvera désormais responsable de la différence entre le cours de 16 pence, qu’elle a décrété pour la roupie, et la valeur commerciale de cette monnaie, si elle vient à ne correspondre en or qu’à 12 pence, comme ç’a été un moment le cas.

Tandis que le trésor de Washington se déclare vaincu dans cette lutte insensée contre la force des choses, qu’on lui avait fait entreprendre, le Mexique va rester, seul au monde, le champion convaincu de l’argent ; le ministre des finances de cette république fait annoncer son intention d’augmenter encore la frappe de ce métal, que toutes les nations repoussent, et que ce fonctionnaire déclare, avec un grand sérieux, « être plus rare et plus demandé que jamais. »

L’abrogation de la loi Sherman n’est pas la seule question qui s’impose au congrès des États-Unis. Il aura à s’occuper encore, sinon le mois prochain, du moins dans sa session ordinaire d’automne, de la révision des tarifs de douane dans un sens plus favorable aux échanges internationaux, plusieurs fois promise par le parti démocratique, et que prépare dès à présent le ministre Carliste, assisté de M. David A. Wells, libre-échangiste connu. Une autre réforme devra être celle de la loi des pensions, dont le tiers, paraît-il, est fondé sur des titres frauduleux. L’opinion publique s’est émue d’un état de choses qui a donné matière à de cyniques abus : le Farnham-post de New-York, l’une des associations qui représentent les pensionnés, s’est énergiquement prononcé contre les rentes accordées à des personnes qui ne le méritent pas. Tout individu qui est aujourd’hui malade,