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la discussion du budget de 1894. Cette hâte était nécessaire pour que le sénat, où la commission des finances a déjà fonctionné officieusement depuis le 1er juillet, fût prêt lui-même en temps utile, de façon que la session soit à peu près terminée vers la fin du présent mois. Si le gouvernement persiste alors à fixer au 20 août la date des élections législatives, il lui restera tout juste les vingt jours de la période réglementaire.

On avait mis quatorze mois, au palais Bourbon, à voter le budget de 1893 ; quatorze jours ont suffi à nos députés pour expédier le budget de 1894. Une fois encore, en matière d’économie, le parlement a pratiqué la vieille maxime orientale, qui consiste à ne jamais faire le jour ce qu’on peut remettre au lendemain. Nous avons aussi vu reparaître dans les deux sortes de journaux, journaux d’opposition, journaux ministériels, les jeans qui pleurent et les jeans qui rient de la question d’argent ; ceux qui voient tout en noir, ceux qui voient tout en rose. Il n’est pas de sujet où le pour et le contre se puissent plus aisément soutenir que celui des finances, parce qu’il n’y a pas un impôt qui ne soit odieux, et pas une dépense qui ne soit utile. À écouter l’orateur qui critique les premiers et vante les secondes, on se sent, devant des argumens si péremptoires, envahi d’une grande bonne volonté de supprimer tous les impôts et d’augmenter toutes les dépenses.

Tiraillés par ces sentimens contraires, les représentans du pays nous gratifient d’un budget qui contient à la fois des impôts nouveaux et des suppressions d’impôts anciens, qui renferme aussi des chapitres de dépenses nouvelles, chapitres dont quelques-uns sont à peine à l’état adulte, et promettent d’avoir un âge mûr coûteux et une vieillesse ruineuse, comme celui des garanties d’intérêts aux chemins de fer. Trois milliards et demi en chiffres ronds (exactement 3,438 millions de francs), tel est le total du prélèvement que fera, dans le cours de l’année prochaine, l’État français sur la bourse française. Si l’on y joint les budgets départementaux et communaux, nous dépassons les quatre milliards. C’est à peu près le sixième de la masse des revenus et des salaires des trente-neuf millions d’habitans de notre pays, que l’on est d’accord pour évaluer à 25 milliards de francs environ par an. Seulement il ne serait pas exact de dire que le Français de 1893 verse, en moyenne, à la collectivité le sixième de ses recettes annuelles ; parce que, d’une part, nul ne peut dire quelle est au juste la répercussion, — ce que les économistes appellent l’incidence, — de l’impôt ; et que, d’autre part, le plus grand nombre de nos impôts directs portent exclusivement sur le capital et que les plus lourds de nos impôts indirects portent sur des objets d’un luxe relatif, sur des jouissances, comme le tabac et l’alcool, et non sur des consommations de première nécessité.

Par suite, l’ouvrier est loin de payer le sixième de son salaire, et